Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/184

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étranglés s’échappaient de sa gorge, il se vautrait dans la boue, jetant les bras et les jambes en tous sens, et donnant tous les signes de l’agonie.

— Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria l’étranger éperdu, le cœur brisé par la compassion. Ah ! le pauvre homme ! le pauvre homme ! Quelle horrible souffrance ! Venez, que je vous aide !

— Merci, noble seigneur, merci. Dieu vous le rende ! Mais ne me touchez pas, de grâce ! On ne saurait me causer plus cruelle torture, quand ces accès me prennent. Mon petit frère que voilà vous dira, mylord, toutes mes angoisses, quand je me trouve ainsi hors d’état de travailler. Un penny, mon prince, rien qu’un petit penny pour acheter un peu de pain ; un penny… Dieu vous le rendra…

— Tenez, pauvre homme, voici trois pence au lieu d’un penny !

L’étranger, tout saisi d’affliction, fouilla vivement dans ses poches et en tira plusieurs pièces de monnaie.

— Tiens, pauvre petit, dit-il, prends tout ceci, et que Dieu vous ait en sa sainte garde. Viens ici, aide-moi, je vous ramènerai chez vous ; ton malheureux frère…

— Ce n’est pas mon frère, dit froidement le roi sans bouger de place.

— Tu dis que ce n’est pas ton frère ?

— Ne l’écoutez pas, messire, balbutia l’épileptique qui faisait semblant de perdre connaissance, ne le croyez pas, monseigneur ; il est si mauvais pour moi, il me renie ; pourtant j’ai un pied dans la tombe.

— Oui, c’est infâme, s’écria l’étranger indigné. Je ne me serais point attendu à cette dureté de cœur à ton âge. Tu devrais avoir honte… Tu vois bien qu’il