Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/196

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que les enfants ont eu confiance en moi, qu’ils m’ont reçu amicalement dans mes jours de misère ; tandis que ceux qui sont plus âgés qu’eux et se croient plus sages m’ont raillé et ont mis en doute ma royale parole.

La mère des enfants accueillit le roi avec bonté, et se montra fort compatissante. Elle fut profondément touchée de son dénûment et de son apparente déraison. Elle était veuve et pauvre, et elle avait trop souffert elle-même pour n’être point sensible aux maux d’autrui. Elle crut que l’enfant atteint de démence avait échappé à la surveillance de ses gardiens ou de ses parents. Aussi tâcha-t-elle de savoir d’où il venait, afin de pouvoir prendre des mesures pour le ramener chez lui. Mais elle eut beau le questionner sur les villes et les villages de l’endroit où il habitait, ce fut peine perdue : le visage étonné de l’enfant et les réponses qu’il faisait attestaient combien il était étranger à ce qu’elle lui demandait. Tout ce qu’il disait avait trait à la cour, et quand il en parlait avec un air simple et sérieux, il mentionnait fréquemment le nom du feu roi, « son père » ; en dehors de cela, il ne pouvait fournir aucun renseignement et baissait la tête.

La femme était très embarrassée ; elle voulut en avoir le cœur net. Tandis qu’elle préparait son repas, elle se dit, tout en n’ayant l’air de rien, qu’elle prendrait bien le petit fou par un endroit et le forcerait de confesser son secret.

Elle lui parla du bétail, et n’obtint pas de réponse. Des moutons : même résultat. Elle l’avait soupçonné d’être un de ces petits bergers qui abandonnent leur maître, on ne sait pas toujours pourquoi ; elle fut bien contrainte de s’avouer qu’elle s’était trompée.