Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/199

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affectueuse comme elle l’avait été tout d’abord.

L’enfant mangea de bon cœur. L’appétit lui fit trouver les plats délicieux. Il était tout ragaillardi.

Le repas eut cela de caractéristique que de part et d’autre on se faisait des concessions sans qu’on s’en doutât. La bonne femme avait eu la pensée de traiter le petit vagabond comme elle avait coutume de faire pour ceux de son espèce, ou comme elle eût fait pour un chien à qui l’on jette un os dans un coin. Mais elle se reprochait de l’avoir rudoyé peut-être injustement pour sa maladresse. Elle avait voulu réparer ce mouvement de brusquerie en lui permettant de s’asseoir à la table commune et de manger avec elle et ses enfants, sur le pied de l’égalité.

Le roi, de son côté, se repentait de n’avoir pas tenu sa promesse, après les marques d’égard qu’il avait reçues de ces pauvres gens. Aussi voulut-il leur accorder une compensation en s’abaissant gracieusement à leur niveau : au lieu d’inviter la femme et ses enfants à se tenir debout derrière lui et à le servir tandis qu’il mangerait seul, comme l’eussent exigé les privilèges de sa naissance, il leur fit signe avec bonté de prendre place à côté de lui.

La brave femme se sentait heureuse du bien qu’elle faisait en ne repoussant point le petit mendiant ; le roi se trouvait ravi de la faveur qu’il octroyait à une humble paysanne.

Le déjeuner achevé, la femme commanda au roi de laver la vaisselle. Il ne s’attendait guère à cette injonction qui lui parut presque une insulte, et son premier mouvement fut de se révolter avec indignation. Toutefois il se dit que si Alfred le Grand avait surveillé les gâteaux, il était fort probable que l’illustre