Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/200

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roi des Anglo-Saxons avait, le cas échéant, lavé les plats et les assiettes, par conséquent le roi d’Angleterre ne dérogeait point.

Il se mit donc à l’œuvre, et s’acquitta de sa besogne aussi mal que possible. Il s’était imaginé, à première vue, que c’était chose facile de rincer des verres et de promener un torchon sur des assiettes. Il put se convaincre, à l’expérience, que rien ne se fait sans pratique. Aussi risqua-t-il de tout casser. Il finit néanmoins par s’en tirer sans accident.

Il aurait voulu prendre congé de la brave femme, la remercier et se remettre en route. Il vit qu’il ne payerait point son écot à si bon compte. Elle le chargea de quelques petits détails du ménage, qu’il voulut bien accepter de faire et qu’il mena à peu près à bonne fin. Elle lui fit alors peler des pommes avec les petites filles ; il s’y prit si gauchement qu’elle lui dit de cesser et lui donna un couteau à repasser. Puis elle lui fit carder de la laine.

Il se dit qu’il avait laissé bien loin derrière lui le roi Alfred, qu’il avait fait preuve d’un héroïsme beaucoup plus grand que son illustre ancêtre, et que ce qu’il venait de faire suffisait à remplir le volume où quelque grand poète de la cour raconterait aux enfants de tous les âges présents et futurs les prouesses domestiques et culinaires du roi Édouard. La bonne femme lui parut dépasser la mesure, et il se promit de ne pas aller plus loin. À peine le repas de midi terminé, quand on lui donna un panier plein de petits chats à jeter dans la rivière, il refusa. Je veux dire qu’il se disposait à refuser, après avoir décidé qu’il était en droit de tirer l’échelle. Un roi a bien autre chose à faire que