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Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/205

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de l’âme. Personne ne découvrira ton refuge et ne viendra t’accabler de supplications pour te ramener à cette vie vaine, vide et insensée que Dieu t’a fait abandonner. Ici tu prieras, tu liras l’Écriture, tu méditeras sur l’inanité de cette vie semée de déceptions, tu réfléchiras aux sublimes jouissances de la vie future ; tu te nourriras des herbes de la terre ; tu châtieras ton corps en le battant de verges pour purifier ton âme ; tu porteras un cilice, tu ne boiras que de l’eau ; mais tu auras la paix, une paix profonde et inaltérable ; tous ceux qui viendront te chercher ici s’en retourneront aux lieux d’où ils seront venus ; on ne te trouvera point ; on ne te troublera point.

Le vieillard continua de marcher en long et en large. Il avait baissé la voix et ne marmottait plus que des paroles inintelligibles.

Le roi profita de l’occasion pour exposer sa situation. Le souvenir de ses maux passés, l’appréhension de l’avenir le rendaient éloquent. Mais l’ermite avait une idée fixe ; il mâchonnait des mots sans suite et ne faisait point attention à ce qu’on lui disait.

Tout à coup il s’approcha du roi, lui mit la main sur l’épaule et murmura d’une voix mystérieuse :

— Écoute, je vais te dire un secret !

Il inclina la tête, couvrit sa bouche de la main, puis hésita, prêta l’oreille et courut à la porte dont il poussa le verrou. Ensuite il se dirigea à pas de loup vers la fenêtre, passa sa tête par la lucarne, sonda anxieusement l’obscurité, et revint sur la pointe des pieds auprès du roi. Il se baissa vers lui, rapprocha son visage de celui de l’enfant, puis tout bas, tout bas, comme s’il se fût agi d’une affaire extrêmement grave, il lui dit :