Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE III.

TOM RENCONTRE LE PRINCE.


Tom se leva le ventre creux ; il l’avait creux encore quand il sortit pour aller battre le pavé ; mais, par contre, il avait la tête pleine des splendeurs de son rêve. Il erra çà et là dans la Cité, allant sans savoir où, sans prendre garde à ce qui se passait. On le coudoyait, on le rudoyait, l’apostrophait ; lui, perdu dans ses pensées, poursuivait machinalement sa flânerie. Il arriva ainsi à Temple Bar, qui était la limite extrême de ses explorations accoutumées. Il s’arrêta un moment pour se consulter ; puis, replongé dans ses visions, il passa outre et se trouva hors de l’enceinte de Londres. Le Strand n’était déjà plus alors un chemin vicinal ; on lui donnait le nom de rue, quoiqu’il fût encore peu bâti. D’un côté, il y avait une file assez longue de maisons, mais, de l’autre, on ne voyait qu’un petit nombre de constructions éparses, résidences de la haute noblesse, avec de grands et beaux domaines qui descendaient jusqu’au fleuve, et qui sont aujourd’hui couverts, pouce à pouce, d’affreux bâtiments en brique et en pierre.

Tom découvrit ensuite le village de Charing, et il se reposa près de la belle croix plantée en cet endroit par un roi du temps jadis, qui avait été dépouillé de ses possessions ; il descendit alors en