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Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/210

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— Il dort, répéta l’ermite, et sa conscience est sans trouble !

Il s’éloigna à pas comptés.

Ses regards erraient dans la pièce. Il marchait avec une extrême précaution, fouillant tous les recoins, parfois s’arrêtant pour écouter, hochant la tête, surveillant du coin de l’œil le lit où reposait l’enfant, et murmurant des mots entrecoupés d’exclamations.

À la fin il parut avoir trouvé ce qu’il cherchait. Il mit la main sur un vieux couteau de boucher rouillé et sur une pierre à aiguiser. Muni de ces deux objets, il alla se rasseoir devant le feu et commença à repasser le couteau, sans cesser de marmotter, de s’exclamer.

Il y eut un long temps de silence. On n’entendait que le souffle plaintif du vent et les voix mystérieuses de la nuit. Par moments un rat ou une souris sortait la tête de son trou et, croyant l’homme hors d’état de nuire, s’aventurait jusqu’au milieu de la pièce.

Le Juif continuait sa besogne, absorbé, ne voyant plus rien de ce qui l’entourait.

Parfois il s’arrêtait pour passer le pouce sur le fil du couteau, et secouant la tête avec satisfaction, il disait :

— Cela va mieux.

Les heures s’écoulaient. L’ermite travaillait consciencieusement, avec sang-froid, laissant apparemment flotter ses pensées au hasard, et les traduisant par intervalles en phrases saccadées :

— Son père nous a persécutés !… Il a comparu devant Jehovah qui l’a châtié… Le châtiment aura été aussi grand que le crime… Mais il nous a échappé… Dieu l’a voulu ! Dieu l’a voulu !…