Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/211

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Nous ne pouvons murmurer contre la volonté divine. Mais il n’a point échappé à la colère du Très-Haut ! Non, il n’a pas échappé ! La vengeance céleste s’est appesantie sur lui ! Elle s’appesantira sur lui pendant toute l’éternité !

Le couteau glissait sur la pierre à aiguiser, le bras allait et venait, les lèvres entr’ouvertes laissaient passer des sons inarticulés. Puis la voix devenait plus distincte :

— C’était son père !… Je suis l’archange au glaive de feu, l’archange qui terrasse Satan !

Le roi fit un mouvement. L’ermite se trouva d’un bond auprès du lit, et pliant les genoux, se courba sur l’enfant, le couteau levé.

Le roi fit un second mouvement. Ses paupières se soulevèrent, mais ses yeux étaient fixes : il ne voyait rien ; un moment après, son souffle calme et régulier indiqua que le sommeil, passagèrement interrompu, avait repris tout son empire.

L’ermite attendait et écoutait, toujours à genoux, n’osant point respirer. Puis son bras s’abaissa lentement, et il rampa jusqu’auprès du feu.

— Il est minuit passé, dit-il, évitons les cris ; quelqu’un pourrait passer par ici.

Il se leva, se baissa, rampa sur le sol, ramassant les morceaux de guenille, les bouts de corde qui traînaient. Ensuite il se dirigea de nouveau vers le lit, et se mit en devoir de lier les mains du roi, sans l’éveiller.

Soit qu’il s’y prît trop brusquement, soit que le sommeil du roi ne fût point aussi profond qu’il le croyait, à chaque tentative que faisait l’ermite pour soulever le bras de l’enfant, celui-ci le repoussait automatiquement, tantôt changeant les mains de