Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/226

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Hugo était au comble de la joie. Il avait déjà essayé de pousser le roi à voler, mais il avait échoué. Or, maintenant il ne pouvait plus y avoir de résistance, car il était impossible que le roi songeât à braver un ordre exprès du Grand Coësre.

Hugo avait donc la partie belle. Il n’avait plus qu’à disposer une chausse-trappe, et le roi ne manquerait point de tomber dans les filets de la justice.

Le scélérat se promit de ne point perdre de temps et de régler ce compte le jour même. La seule tactique qu’il eût à suivre, c’était de faire en sorte que l’on crût à un accident, et qu’on ne le soupçonnât point personnellement ; car le Roi des Coqs de combat jouissait maintenant d’une vraie popularité, et la bande n’eût certes pas été tendre pour celui de ses affiliés qui aurait eu l’infamie de livrer par trahison le plus aimé de tous à l’ennemi commun, c’est-à-dire aux représentants de la loi.

Hugo avait l’âme trop noire et trop vindicative pour s’arrêter devant ces considérations. Il sortit du camp, sans rien laisser transpirer de sa machination. Le roi était avec lui. Ils allaient très lentement, montant et descendant les rues l’une après l’autre, tous deux ayant leur plan bien arrêté : Hugo, celui de mener à bout son entreprise criminelle ; le roi, celui de profiter de la première occasion pour prendre la fuite et pour s’arracher à jamais à l’ignoble troupe de coquins dont il était le prisonnier.

Ils eussent pu, l’un et l’autre, en finir assez vite ; mais ils ne voulaient, dans leur for intérieur, agir qu’à coup sûr et ne point s’exposer à une déception, en se laissant séduire par la première chance venue qui pouvait être incertaine.