Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/23

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teint bruni par le soleil, aux membres vigoureux et souples. Il portait, avec une aisance pleine de charme, de beaux habits de satin et de soie semés de pierreries étincelantes. Une petite épée et une dague ornées de joyaux lui pendaient au côté ; de jolis brodequins à talons rouges, une toque écarlate coquettement posée sur la tête, et garnie de plumes pendantes, retenues par une grande escarboucle, complétaient son costume. Près de lui se trouvaient quelques beaux messieurs, qui étaient sans aucun doute ses serviteurs. Oh ! c’était bien là un prince, un prince vivant, un vrai prince ! Il ne pouvait y avoir, à cet égard, pas même l’ombre d’une hésitation. Le souhait de l’enfant pauvre était à la fin exaucé !

Tom haletait, suffoqué, transporté ; ses yeux se dilataient ; les bras lui tombaient ; il n’en revenait pas. Ravi, extasié, il n’eut plus qu’une pensée : être tout proche du prince, face à face, pour le dévorer du regard. Sans savoir comment, il se trouva le visage collé contre la grille. L’instant d’après, un des soldats le saisit à bras le corps, l’arracha rudement et l’envoya pirouetter au milieu des manants et des badauds, en criant :

— Veux-tu bien te retirer, petit drôle !

La populace avait applaudi et éclaté de rire ; mais le jeune prince avait bondi de colère. Le rouge au front, les yeux flamboyants d’indignation, il s’était exclamé :

— Insolent ! Oser maltraiter ainsi en ma présence ce pauvre petit ! Oser porter la main sur un Anglais, fût-il le dernier des sujets de mon père ! Qu’on ouvre la porte et qu’on le fasse entrer !…

Il eût fallu voir alors l’inconstance de la foule. Chapeaux et bonnets volèrent en l’air ; de toutes les