Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/25

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l’aime pas, Dieu me pardonne ; et puis j’ai mes deux sœurs jumelles, Nan et Bet.

— Tu n’aimes pas ta grand’mère ? Elle n’est pas bonne pour toi, je vois.

— Ni pour moi, messire, ni pour les autres ; elle a mauvais cœur et fait du mal à tout le monde, tout le long de la journée.

— Est-ce qu’elle te maltraite ?

— Il y a des fois qu’elle s’arrête, quand elle dort ou quand elle n’en peut plus de boire ; mais dès qu’elle y voit clair, elle me règle mon compte, et alors elle n’y va pas de main morte.

Un éclair passa dans les yeux du petit prince.

— Elle te bat, dis-tu ? s’écria-t-il.

— Oh ! oui, messire.

— Te battre ; toi, si délicat, si petit ! Écoute, avant qu’il soit nuit, ta grand’mère sera enfermée à la Tour. Le roi, mon père…

— Vous oubliez, messire, que nous sommes des misérables, des vilains, et que la Tour n’est faite que pour les grands du royaume.

— C’est vrai, je n’y pensais plus. Je verrai ce qu’il y a à faire pour la châtier. Et ton père, est-il bon pour toi ?

— Comme ma grand’mère Canty, messire.

— Tous les pères se ressemblent, paraît-il. Le mien non plus n’a pas l’humeur tendre. Il a la main lourde quand il frappe ; mais moi, il ne me bat pas. C’est vrai qu’il me mène souvent très durement en paroles… Et ta mère ?

— Ma mère est très bonne, messire, elle ne me fait jamais ni peine ni mal. Et Nan et Bet sont bien bonnes aussi.

— Quel âge ont-elles ?