Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/295

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était le lord grand-amiral pour rire de sa cour pour rire ; l’autre, le premier gentilhomme pour rire de sa chambre royale pour rire. Et son cœur se gonfla encore plus. Et il se dit : « Oh ! s’ils pouvaient me reconnaître ! » Quelle gloire indicible ! Être admiré, reconnu par ses anciens seigneurs, lords et ladies, pour rire ! Leur prouver que le roi pour rire du ruisseau de Pudding Lane était devenu un vrai roi, qu’il avait de vrais ducs, de vrais princes pour humbles serviteurs, et que l’Angleterre était prosternée à ses pieds !

Cependant il se maîtrisa et refoula ce désir ; car cette reconnaissance lui aurait coûté plus cher qu’elle ne valait. Il détourna donc la tête, et laissa aller où ils voudraient, sans s’inquiéter d’eux plus qu’il ne convenait, les deux petits drôles en loques hideuses, lesquels ne soupçonnaient guère pour qui ils se mettaient en frais de joyeuses démonstrations de fidélité.

De minute en minute on entendait le cri : Largesse ! largesse ! Et Tom, ouvrant la main, laissait tomber une pluie de belles pièces neuves sur la multitude qui se ruait à terre pour les ramasser.

« Au haut bout de Gracechurch Street, dit encore la chronique, devant l’enseigne de l’Aigle, les gens de la Cité avaient élevé un superbe arc de triomphe, qui s’étendait d’un côté de la rue à l’autre, et où se trouvaient représentés les ancêtres immédiats du Roy : Élisabeth d’York, assise au milieu d’une immense rose blanche, dont les pétales formaient autour d’elle comme des bandes d’étoffes froncées et plissées, figurant des falbalas ; à côté d’elle Henri VII, sortant d’une grande rose rouge ; le couple royal se tenait par la main, et