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Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/310

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— Rassurez-vous, messeigneurs ; vous connaissez la terrible maladie du Roi. Saisissez ce vagabond.

Les trente bras firent un mouvement. Mais le faux roi, debout sur la première marche du trône, frappa du pied et cria :

— Prenez garde ! Il y va de votre vie ! Ne le touchez pas ! C’est le Roi !

Les bras restèrent suspendus. L’assemblée était paralysée. Personne ne se fût enhardi à faire un geste, à prononcer une parole. On s’interrogeait du regard, on ne savait que résoudre, qu’entreprendre dans une situation aussi inattendue, aussi perplexe.

Cependant l’enfant inconnu avançait toujours, la tête haute, l’air menaçant.

Il mit le pied sur l’estrade royale.

Alors on vit le Roi qu’on allait couronner descendre précipitamment les marches du trône, s’élancer au-devant du nouveau-venu, se jeter à ses pieds ; et l’on entendit ces paroles :

— Oh ! grâce ! grâce ! mon seigneur et roi ! Laissez le pauvre Tom Canty vous jurer fidélité avant tout le monde et vous dire : prenez votre couronne, sire, et votre sceptre ; ils sont à vous !

Le regard du Lord Protecteur flamboyait de colère. Mais les mots qu’il voulut articuler expirèrent sur ses lèvres. Il était frappé de stupeur, extasié. Les grands-officiers de la couronne subissaient la même impression. Ils se regardaient, muets et tremblants. Ils contemplaient le Roi à genoux, l’étranger debout, fier sans audace, impérieux sans arrogance, et une même parole semblait prête à sortir de toutes les bouches :

— Quelle étrange ressemblance !

Le Lord Protecteur réfléchit longuement. Puis,