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Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/314

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les paroles du petit vagabond qui causaient la surprise générale, c’était aussi l’assurance de son attitude et l’air familier qu’il prenait avec l’un des premiers lords du royaume, dont il savait si exactement le nom.

Lord Saint John fut tellement ahuri que les bras lui tombèrent, et qu’il fit une révérence comme si le Roi lui-même eût parlé. Il fit un pas en arrière pour se retirer ; mais, reprenant ses sens, il rougit et attendit, interrogeant des yeux Tom Canty.

— Vous hésitez, mylord, dit Tom ; n’avez-vous pas entendu l’ordre du Roi ? Allez !

Lord Saint John s’inclina cette fois presque jusqu’à terre ; seulement on remarqua que son salut pouvait s’adresser aussi bien à l’un des enfants qu’à l’autre, et au besoin à l’un et à l’autre.

Au moment où lord Saint John s’éloigna de l’estrade royale, on put constater un autre phénomène, presque imperceptible, il est vrai, mais pourtant manifeste. Il y eut dans le groupe des grands dignitaires, qui se pressaient au pied du trône, comme un déplacement automatique, semblable à ce qui se passe dans un kaléidoscope, que l’on tourne doucement, et où les parcelles colorées qui composent une image se dissolvent pendant que l’autre image se forme. Les grands et les hauts barons s’écartaient insensiblement de Tom Canty, et paraissaient vouloir graviter autour de l’enfant inconnu.

Petit à petit, le cercle qui entourait Tom se dissolvait. Et à mesure que l’attente se prolongeait, les seigneurs qui étaient à droite passaient à gauche, sans que personne eût pu dire qu’ils avaient bougé. L’assistance ne s’en aperçut qu’au moment où Tom, vêtu de la pourpre royale, couvert de diamants et