Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/333

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que des guenilles pour habits, des coups pour caresses, du pain noir pour nourriture ! C’est lui que je voulais adopter pour en faire un homme ! Ah ! que n’ai-je un sac pour me cacher la tête !

Puis il se rappela qu’il était là, lui, Miles Hendon, assis devant le Roi, sans gêne, presque les mains dans les poches, tandis que tous les hauts barons du royaume étaient debout et tremblaient ; et il rougit de son manque d’égards et de déférence envers le souverain de son pays, et il se jeta à genoux au pied du trône, et il mit ses mains dans celles du Roi, et il lui jura fidélité en rendant hommage pour son titre et pour son fief. Puis il se leva et se tint à l’écart, sans que les regards eussent cessé de se braquer sur lui ; mais, cette fois, au lieu de regards de mépris, c’étaient des regards d’envie.

Cependant le Roi avait remarqué sir Hughes. Cette apparition lui causa une telle indignation, qu’un flot de sang monta à ses joues. Il eut un soubresaut, se recula avec horreur et, levant la main vers la place où était le tyran de Hendon Hall :

— Qu’on arrête ce faussaire, ce voleur, s’écria-t-il, qu’on le dépouille des titres et des domaines qu’il a usurpés, qu’on le jette en prison jusqu’à ce que j’aie décidé de son sort.

Des gardes saisirent Hughes et l’entraînèrent.

Au même moment il se fit un grand bruit à l’autre extrémité de la pièce. L’assistance se rangea, et Tom Canty s’avança, précédé par un huissier. Il était vêtu simplement, mais avec élégance. Il s’agenouilla devant le Roi.

Édouard VI lui dit :

— Je me suis fait rapporter tes récentes aventures et je suis satisfait de toi. Tu as gouverné