Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/51

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Pendant ce temps, lord Saint-John, qui s’était approché de Tom, lui disait à l’oreille :

— Plaise à Votre Altesse de garder diligemment souvenir des désirs de Sa Majesté. Rappelez-vous autant que possible, ou tout au moins ayez l’air de vous rappeler. Ne leur laissez pas voir le changement qui s’est fait en vous, car vous savez combien vos nobles compagnes vous portent tendrement dans leur cœur, et combien elles seraient affligées. Votre Altesse veut-elle que je reste, que nous restions, mylord Hertford et moi ?

Tom fit un geste d’assentiment et murmura une parole inintelligible. Il se décidait à accepter sa situation, à faire de son mieux pour obéir aux ordres du roi.

Cependant, malgré toutes les précautions, l’entretien avec les jeunes princesses ne laissa point d’être par moments assez embarrassant. Plus d’une fois Tom fut sur le point de rester court, d’avouer ingénument qu’il n’était pas de taille à soutenir cette redoutable épreuve ; mais il s’en tira toutefois, grâce au tact de lady Élisabeth, grâce aussi à la vigilance des deux lords qui lui venaient en aide par l’un ou l’autre mot jeté comme au hasard. Pourtant la petite lady Jane faillit le démonter lorsqu’en se tournant gracieusement vers lui, elle demanda :

— Votre Altesse a-t-elle rendu aujourd’hui ses devoirs à Sa Majesté la Reine ?

Tom était tout décontenancé ; il avait l’air malheureux ; il allait balbutier n’importe quoi, quand lord Saint-John prit la parole et répondit pour lui avec l’aisance et la grâce d’un courtisan accoutumé à rencontrer les difficultés épineuses et toujours prêt à les surmonter.