Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/63

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gentilhomme héréditaire de la serviette se tenait à côté de lui ; il avait sur le bras un linge d’une éclatante blancheur. Tom plongea les yeux dans le bol ; il eut deux ou trois secondes d’hésitation, puis il le porta des deux mains à ses lèvres et avala une grande gorgée. Ensuite il se retourna vers lord Berkeley et faisant claquer sa langue :

— Tenez, dit-il, buvez ça vous-même, si vous voulez, ça ne sent pas mauvais, mais ça n’est pas assez fort.

Cette nouvelle excentricité attestait d’une manière indubitable le triste état de l’esprit du prince. Aussi déchira-t-elle tous les cœurs, car ce lamentable spectacle était peu fait pour provoquer l’hilarité.

Ce ne fut point la dernière gaucherie de Tom. À peine le chapelain avait-il pris place derrière le siège du prince, et les yeux demi-clos, la tête un peu penchée en arrière, les mains jointes, avait-il commencé les grâces, que le prince se leva et quitta la table au beau milieu de la prière. Toutefois personne ne prit garde à cette inconvenance, et pas un des assistants ne s’avisa de faire remarquer que le prince avait commis un acte inouï, inqualifiable, contraire à toute étiquette et même irréligieux.

Au reste, Tom paraissait ne plus s’inquiéter du qu’en dira-t-on. Il avait demandé où était sa chambre, s’y était fait conduire et avait exprimé le désir qu’on le laissât seul.

Il promena ses regards autour de lui et vit pendre à la boiserie de chêne les diverses pièces d’une armure d’acier splendidement damasquinée. C’était une panoplie que la reine Catherine Parr avait, peu de temps auparavant, offerte en cadeau à Édouard Tudor.

Tom mit les cuissards, les gantelets, le heaume em-