Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/67

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leter ses souvenirs. À la fin, lord Hertford s’agenouilla au pied du lit, et d’une voix tremblante :

— Sire, dit-il, que Votre Majesté me pardonne l’audace de lui rappeler que plusieurs de ceux qui sont ici présents se souviennent, comme moi, que vous avez remis le grand sceau entre les mains de Son Altesse Royale le prince de Galles, en lui enjoignant de le garder jusqu’au jour où…

— C’est vrai ! interrompit le roi, allez le chercher, mais faites vite, le temps presse.

Lord Hertford courut à la chambre où Tom était tout entier attaché à l’étude du cérémonial de la cour. Un instant après, il se retrouvait devant le roi. Il avait l’air défait, anxieux ; il avait les mains vides.

— Hélas ! Sire, dit-il, en baissant la tête, je n’eusse certes point voulu annoncer à Votre Majesté une nouvelle aussi grave et aussi déplaisante ; mais que pouvons-nous contre la volonté de Dieu qui prolonge l’état affligeant du prince et ne lui permet point de se souvenir que vous lui avez remis le grand sceau ! Aussi ai-je eu hâte de vous apporter ce pénible message, afin de ne point perdre un temps qui est précieux, car il serait inutile de faire fouiller la longue suite de chambres et de salons qui composent les appartements de Son Altesse Roy…

Un geste de mécontentement l’interrompit.

Il y eut un long temps de silence. Puis le roi dit avec un accent de profonde tristesse :

— Pauvre enfant, qu’on le laisse en paix ! La main de Dieu s’est cruellement appesantie sur lui. Mon cœur se brise de pitié à la pensée de sa souffrance ; je me sens navré de ne pouvoir porter plus longtemps le lourd fardeau des affaires sur mes