Aller au contenu

Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vieilles épaules écrasées. Qu’on le laisse en paix !

Il ferma les yeux, murmura quelques paroles, puis se plongea dans un silence immobile. Un instant après ses paupières se rouvrirent ; son regard erra vaguement dans la pièce et s’arrêta enfin sur le lord chancelier, qui était demeuré à genoux. Son visage s’empourpra de colère :

— Quoi ! s’écria-t-il. Toi encore là ! Par la gloire de Dieu, va, et qu’on en finisse avec ce traître ; sinon ta couronne de comte pourrait bien se réjouir demain de n’avoir plus à coiffer ta tête.

Le chancelier tressaillit.

— Sire, s’écria-t-il, que Votre Majesté ait pitié de moi ! J’attendais le sceau.

— Tu es donc fou, toi aussi, Hertford ! dit le roi avec dédain. Qu’importe le grand sceau ? N’ai-je point dans mon trésor le petit sceau qu’autrefois je portais sur moi ? Puisque le grand sceau est perdu, le petit suffira ; va, va le prendre, et souviens-toi que tu n’as point à reparaître ici sans m’apporter la tête de ce misérable.

Le pauvre chancelier ne se le fit pas répéter. Il ne se dissimulait point combien le voisinage du roi était dangereux. Un frisson lui courait dans tous les membres. Il porta sur-le-champ son redoutable message au Parlement, alors composé de créatures serviles, et fixa au lendemain matin l’exécution du premier pair d’Angleterre, l’infortuné duc de Norfolk.