Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/80

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instinct de mère percevait, discernait quelque chose.

Si cet enfant n’était pas son fils, après tout ? Certes, la supposition était absurde. Elle ne pouvait s’empêcher d’en rire, quels que fussent son affliction et son trouble ; mais c’est égal, elle ne pouvait se résoudre à repousser complètement cette idée qui hantait son cerveau. C’était une de ces idées qui poursuivent l’esprit, l’obsèdent, le harcèlent, se cramponnent sous l’arcade sourcilière, et ne se laissent déloger à aucun prix.

À la fin, la pauvre mère n’y tint plus, elle comprit qu’elle n’aurait de trêve et de cesse qu’à la condition d’avoir établi par une preuve irréfragable, irréfutable, hors de tout conteste, que cet enfant était ou n’était pas son fils ; elle se persuada qu’il n’y avait pas d’autre moyen de bannir ce doute affreux qui l’envahissait de plus en plus.

Oui, c’était bien là le vrai, le seul remède qui lui restât pour sortir de cette poignante incertitude.

Alors elle mit son esprit à la torture. Quel était le signe infaillible auquel elle reconnaîtrait Tom ? Problème plus facile à poser qu’à résoudre. Elle passa successivement en revue tous les indices qui eussent pu lui fournir le dernier mot de cette navrante situation ; mais elle se vit obligée de les écarter l’un après l’autre, car aucun d’eux n’était absolument sûr, absolument parfait, et il lui fallait un témoignage qui ne laissât prise à aucune objection.

En vain elle se creusait la tête, en vain elle déshabillait Tom dans sa pensée et parcourait anxieusement tout son corps, le palpant en quelque sorte ; en vain elle se représentait sa tournure, ses gestes accoutumés : elle ne trouvait rien qui lui donnât satisfaction. Elle en arriva bientôt à se dire qu’il