Page:Twain - Le prince et le pauvre, trad Largilière, 1883.djvu/83

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Le prince, de son côté, une fois qu’il avait cessé d’être un sujet sur lequel la pauvre mère de Tom Canty étudiait les phénomènes de la sensibilité visuelle, s’était replongé dans ce profond repos que goûte un enfant de son âge, même après les plus violentes secousses. Plusieurs heures s’écoulèrent ainsi. Petit à petit toutefois il sortit de sa léthargie, et, se soulevant sur le coude, il appela à mi-voix :

— Sir William !

Puis au bout d’un moment :

— Holà ! Sir William Herbert ! Approchez ! Écoutez l’étrange rêve que j’ai fait. Sir William, m’entendez-vous ? J’ai rêvé que l’on m’avait changé en pauvre ; et que… Holà ! gardes ! Sir William ! Quoi ! personne ici, pas même de chambellan de service ! Ah ! cela ne saurait se passer ainsi ; je…

— Qu’as-tu ? dit une voix douce tout près de lui, qui appelles-tu ?

— Je demande sir William Herbert. Qui êtes-vous ?

— Moi ? qui je suis ? Mais… ta sœur Nan. Ah ! c’est vrai, Tom, j’avais oublié, tu es fou, pauvre petit, tu es toujours fou, je n’aurais pas dû t’éveiller. Mais tais-toi, je t’en supplie, ou nous allons tous être battus à mort.

Le prince s’était dressé sur son séant ; il était pâle et hagard. Les souffrances que lui causaient ses meurtrissures le rappelèrent à la réalité. Il se laissa retomber sur sa paille infecte, en gémissant :

— Hélas ! Ce n’était donc pas un rêve !

Alors tous les tourments qu’il avait endurés depuis la veille, et que le sommeil lui avait un moment fait oublier, revinrent en foule à son esprit : il se rendit compte de l’horreur de son sort, et il comprit qu’il