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Page:Twain - Les aventures de Tom Sawyer, trad Hughes, illust Sirouy, 1884.djvu/19

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— Ne pousse pas ! s’écria Tom.

— Ne pousse pas toi-même.

En dépit de cette recommandation, ils demeurèrent arc-boutés sur un pied, se poussant de toute leur force sans que l’un ou l’autre parvînt à faire reculer son adversaire. Après avoir lutté jusqu’à ce que leurs visages eussent passé du rouge au cramoisi, ils se relâchèrent de leurs efforts avec une prudente lenteur, de façon à ne pas donner un avantage à l’ennemi. Alors Tom traça une ligne sur le sol avec son orteil et dit :


Crie assez !
— Dépasse seulement cette ligne et je t’étrillerai jusqu’à ce que tu ne puisses plus te tenir debout. Celui qui ne répond pas à ce défi volerait un mouton !

La provocation était trop forte ; l’autre franchit aussitôt la ligne.

— Là ! répliqua-t-il. Tu as menacé de m’étriller, étrille-moi donc !

— Pour deux sous, je le ferais.

Le jeune étranger tira de sa poche une pièce de monnaie et l’offrit poliment à Tom qui la fit sauter en l’air.

Un instant après les deux gamins roulaient sur le sentier, se tirant par les cheveux, se déchirant les vêtements, s’égratignant le visage et se bourrant de coups de poing. Bref, ils se couvrirent de poussière et de gloire. Le combat ne dura que quelques minutes. Bientôt le nuage se dissipa, et Tom apparut à cheval sur son adversaire renversé qu’il n’épargnait pas.

— Crie assez, quand tu n’en voudras plus !