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UNE VIE BIEN REMPLIE

rade d’enfance comme toi, parce que tu t’intéresses à la vie des autres, aux joies et aux peines qu’on a eues.

Je viens donc par la présente, te rappeler que tu m’as promis de venir ce mois-ci passer une huitaine avec moi dans le calme et la tranquillité ; si tu n’as pas cédé tes affaires, cela te reposera de ton commerce ; dans le cas contraire, alors libre de préoccupations de ce côté, nous aurons l’esprit aussi tranquille que ma petite rivière. J’espère que tu ne trouveras pas le temps trop long, pour moi, je sais que je le trouverai trop court. Dans notre dernier entretien tu m’as dit que tu prendrais plaisir à ce que je te raconte ma vie en détail, cela viendra tout naturellement au cours de nos causeries.

Ma vie, mon cher Savinien, comme celles de la grande-masse, est simple et dépourvue du côté romanesque ; ce sera moins mirobolant que l’histoire de Monte-Cristo, que nous lisions avec tant d’acharnement quand nous étions enfants ; à cet âge, tout paraît possible, même de percer avec les ongles les cachots du château d’If, comme de remonter des profondeurs de la mer et nager des kilomètres dans la nuit noire pour atteindre la terre libératrice.

Enfin, nous causerons de tout un peu et je me promets de ne pas t’ennuyer.

Tu connais le coin où je suis en ce moment ; c’est bien choisi pour y passer huit jours ; mais pour celui qui est habitué à Paris on n’y séjournerait pas une saison ; on aurait vite fait de s’y ennuyer, car c’est l’isolement complet ; on a beau aimer la nature, on aime aussi voir s’agiter le monde.

Je termine en te priant de me répondre au plus tôt, m’annonçant que je te verrai dans la huitaine.

En attendant ce grand plaisir, je te serre la main d’amitié.

Pierre Cadoret

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Pour répondre à l’aimable lettre de mon ami, quelques jours après, j’arrivais à la gare de Douchy (Loiret), où il m’attendait. Ce joli village nous rappelait nos souvenirs d’enfance ; c’est là que nous allions à l’école de M. Richard, je vois encore cette grande classe donnant sur le jardin ; elle était partagée en deux par une travée, au milieu se trouvait l’estrade du maître d’école et de sa femme qui s’occupait des filles, car dans cette même classe, il y avait envi-