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UNE VIE BIEN REMPLIE

ron cinquante filles et cinquante garçons. Ces temps derniers, on a écrit beaucoup de choses concernant la fréquentation des écoles par les enfants des deux sexes ; je ne suis pas compétent pour apprécier le pour ou le contre ; ce que je puis dire, c’est que dans l’école de M. Richard, fréquentée par les enfants de 8 à 13 ans, jamais il n’y avait rien de repréhensible ; il arrivait bien quelquefois qu’en revenant du cathéchisme à l’école un enfant de 11 à 12 ans, qui voulait faire le grand garçon, pariait 10 ou 15 billes à ses camarades qu’il embrasserait une telle ; alors, les autres garçons de son âge se moquait de lui en disant qu’il avait agi comme un paysan qui ne sait que garder les cochons ; il était ainsi plus vexé que de la réprimande de M. et Mme Richard.

Après nous être serré la main, mon ami et moi nous partîmes à pied pour Les Simons, où il résidait. Ce hameau solitaire, trop solitaire à mon avis, même l’été, est situé à quatre kilomètres de la gare, sur une rivière à gauche de la route qui va à Charny, à l’endroit où elle sépare les deux départements du Loiret et de l’Yonne. Certainement que vue par un beau jour d’été, surtout quand le soleil baisse, ceite petite rivière à l’eau claire comme le cristal et d’une fraicheur de source, ombragée sur les deux rives de vergnes et d’aubiers où par place elle coule sur un lit caillouteux avec un murmure doux comme un chant de fauvette, elle est tout simplement admirable et porte l’esprit vers le rêve et le calme. À plusieurs endroits, on peut la sauter à pieds-joints, la profondeur varie de 30 centimètres à 1 mètre 50 ; le gué est large d’environ 15 pas et profond de quelques centimètres ; c’est dans cette rivière alimentée par un grand nombre de sources dans un trajet de 8 kilomètres et qui se jette 500 mètres plus loin dans une autre jolie rivière appelée L’Ouanne, que nous allions, étant enfants, nous baigner et prendre des écrevisses à la main, sous les racines chevelues des vergnes, et dans le gué des lottes et des tétards, que nous attrapions avec une fourchette. Ce tétard est le plus succulent des poissons : il est gris, long et gros comme le doigt, avec une grosse tête osseuse ; ce poisson n’est pas, bien entendu, le têtard des naturalistes, qui est la grenouille à l’état naissant. Aujourd’hui, tous ces poissons ont disparu peu près de ces petits ruisseaux ; d’abord ce sont les parisiens qui ont commencé à les détruire en pêchant aux filets,