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UNE VIE BIEN REMPLIE

Depuis 1848, les diverses fractions de la bourgeoisie, sous quelques appellations qu’elles se soient dénommées : républicains, intransigeants, radicaux, opportunistes ou radicaux-socialistes, ont trompé la confiance des électeurs ; les moindres réformes sociales sont à l’étude pendant des dizaines d’années et si, sous la poussée de l’opinion, elles sont votées, le Sénat, complice de réaction, les tient encore dix ans avant de les ratifier ou de les enterrer.

Telles sont les grandes lignes du socialisme.

Les heurts qui se produisent au sein du parti dirigeant, qui ne sait plus comment se diriger, et est contraint de s’appuyer sur les partis réactionnaires pour gouverner, font pressentir une révolution sociale peut-être plus prochaine qu’on le pourrait croire.

Le développement du machinisme, soit industriel, soit agricole, augmentera de plus en plus les richesses ; mais le peuple, de plus en plus éclairé, comprenant qu’il ne peut rester toute la vie un simple rouage de ces machines, voudra les posséder après les avoir créées ; le socialisme, seul, lui garantira les moyens d’avoir sa part dans ces richesses en s’appropriant l’outil et le sol ; le temps n’est peut-être pas éloigné où la petite propriété terrienne s’acheminera d’elle-même vers le collectivisme, en s’associant dans la commune pour exploiter les terres en commun…

J’espère que tes vues sont larges et que tu ne vas pas me demander, comme tant d’autres, de bonne foi sans doute, comment la société collectiviste fonctionnera, comment se fera la production, la répartition et l’échange, comment le travail sera organisé ; nous avons sous les yeux des exemples nombreux ; l’État, les chemins de fer, occupent des centaines de mille d’employés de toutes sortes, lesquels ne connaissent ni patrons, ni directeurs, et tout marche très bien sous la conduite des ingénieurs, chefs et sous-chefs, etc., etc. ; cela marchera mieux encore quand la collectivité saura qu’elle a la même considération que le plus haut placé, et que les bénéfices de l’exploitation lui reviendront en partie au lieu d’aller dans la poche de quelques gros actionnaires ; puis, quand de nouvelles forces mécaniques feront leur apparition, les ouvriers ne craindront plus qu’elles viennent leur prendre le travail ; ils seront contents au contraire, se rendant compte que plus la machine se perfec-