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UNE VIE BIEN REMPLIE

tionnera et fera vite, plus la fatigue physique sera moindre et plus le temps du travail sera abrégé.

Un point sur lequel les adversaires et aussi les personnes de bonne foi font de graves objections : c’est celui de l’émulation.

On dit : Que ferez-vous des grandes œuvres dans votre société égalitaire ? Comment pourront se produire les artistes ? Les millionnaires et les milliardaires ayant disparu, les grands génies ne pourront plus s’exercer, architectes pour les palais, constructeurs pour les bateaux de plaisance ou pour les longs voyages en mer, sculpteurs et grands peintres pour orner les palais, meubles de luxe, etc.

Ces réflexions pour les gens de bonne foi ressemblent à ces pauvres qui ne voudraient pas voir supprimer la propriété individuelle pour la raison qu’ils ont mis vingt sous à une loterie et qu’ils peuvent gagner un million.

Que peut vous faire à vous, collectiviste, de voir construire quelques palais de milliardaires ? On dit que le règne des grandes œuvres est passé. Combien de gens, parmi le peuple, donneraient aujourd’hui leur vote pour voir construire un autre palais de Versailles qui a coûté un milliard et vu périr cinquante mille ouvriers dans les terrains marécageux ; que vous importe à vous, travailleurs, que l’on construise avec votre argent des carrosses comme ceux qui sont exposés à Trianon, et dont l’un a coûté plus d’un million ; vous avez des manufactures nationales de porcelaine et de tapis : Sèvres et les Gobelins ; les artistes font de belles pièces qui sont toujours offertes à vos frais aux souverains étrangers ou à leurs valets, ou encore les tapisseries qui vont orner les musées et les palais nationaux ; vous êtes fiers quand un gardien de musée vous dit en se rengorgeant cette tapisserie ou ce tapis vaut cent mille francs !

N’ayez crainte, dans l’État collectiviste, plus que dans notre État individualiste, l’émulation sera centuplée ; il y aura du travail pour tous les artistes, ingénieurs, architectes, peintres, sculpteurs, orfèvres, tisseurs, et enfin toutes les branches de l’industrie auront du travail à édifier, meubler les palais nationaux et communaux. Toutes proportions gardées, chaque commune aura son petit palais et son mu-