patience, en se tenant à sa place, à force de tact et sans bassesses, on finit par être bien vu et considéré ; en affaires, il faut surtout agir en toute confiance.
Les représentants font peu ou rien avec l’Amérique du Nord et l’Angleterre, dont toutes les grosses maisons ont des comptoirs d’achats à Paris ; de plus, les grandes fabriques d’Europe ont des représentants dans ces pays, leurs acheteurs sont capables, connaisseurs et prompts en affaires ; il n’en est pas de même de ceux qui viennent du Sud ; ils sont d’une lenteur désespérante, les Français surtout, je dis les Français, parce que la majorité des maisons de la République Argentine, de la Colombie, du Mexique, sont françaises, on pourrait même dire que tout le commerce du Mexique est tenu par des Français.
C’est après la guerre imbécile de Napoléon III que les commerçants s’y installèrent ; le premier commença avec quelques milliers de francs de marchandises, principalement des tissus mérinos, des châles, qu’il transportait dans l’intérieur à plusieurs journées de cheval, le résultat fut tellement merveilleux (car il vendait jusqu’à deux cents pour cent de bénéfice) qu’il y fonda un comptoir et fit venir de ses compatriotes et parents ; en vingt-cinq ans, il avait gagné quinze millions. Cet homme a été, jusqu’à sa mort, nominativement à la tête de sa maison de Paris ; les relations avec lui étaient toujours courtoises et agréables.
Il n’en était pas de même partout. Deux, surtout, que la fortune avait sans doute grisés, n’étaient heureux que lorsqu’ils criaient, injuriaient fournisseurs, fabricants, enfin tout le monde ; le mot de Cambronne était le suprême argument de l’un de ces deux hommes distingués.
Les acheteurs d’Amérique viennent en France une ou deux fois par an ; la traversée se fait en 20 ou 30 jours, soit que l’on vienne de Buenos-Aires, de Rio ou du Pérou. À leur arrivée à Paris, ils procèdent ainsi d’abord, ils placent les ordres en répétition, ce qui demande environ huit jours ; ensuite, ils vont faire leurs achats anglais à Manchester, où ils restent huit à quinze jours ; c’est là le gros morceau, les grosses affaires en cotonnades de toutes sortes : unies, imprimées, façonnées, depuis dix centimes le yard (le mètre anglais de 91 centimètres), les rideaux, la bonneterie bon