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UNE VIE BIEN REMPLIE

rature abrutissante qui pénètre partout, jusqu’au fond des hameaux, ces mauvais livres qui ne parlent que de police, de bandits, d’apaches et qui montrent ce monde comme des héros ; cela fausse l’esprit des jeunes gens, c’est un poison qu’il faut combattre comme l’alcool.

M. Mage ajouta quelques paroles, disant : « On peut dire sans crainte de se tromper que les idées que vient d’émettre notre ami sont, en général, l’expression de l’esprit des campagnes.

Pour ce qui est de l’exode des habitants vers Paris, je ne crois pas que l’on peut l’arrêter, mais on doit faire tout ce que l’on peut pour le restreindre. Puis, s’adressant à moi, il dit : « Vous, monsieur Savinien, veuillez donc nous exprimer vos idées sur ce qui vient d’être dit. »

Je répondis :

— Il me semble qu’il faudrait avoir l’esprit mal fait pour ne pas approuver les idées qui viennent d’être exposées. Quand bien même on émettrait des choses irréalisables, on doit les discuter, les examiner et ceux qui pensent au bien de tous ont droit d’être écoutés ; vos projets de fonder une bibliothèque sont sans doute généreux, mais n’agiront pas beaucoup, quelques esprits éclairés en feront usage, mais la masse ne comprendra pas ; cela n’empêche pas de tenter la chose.

Vous avez parlé des mauvais livres qui inondent nos campagnes ; le seul moyen de les faire disparaître serait de créer une littérature spéciale à l’usage des écoles pour la jeunesse de 10 à 14 ans, de confier ce travail aux membres de l’enseignement ; d’après un concours, on nommerait à la rédaction les plus capables, par exemple chaque canton pourrait nommer un délégué et tous ces délégués réunis en un Congrès nommeraient une commission nationale chargée de la rédaction des livres scolaires d’esprit laïque.

Pour ce qui est de l’histoire, tous les faits seraient exposés avec clarté et selon la vérité, les parents s’y intéresseraient comme les enfants, alors que souvent les faits politiques ou religieux y sont faux ou dénaturés. Pour la lecture courante, il faudrait des manuels avec gravures, des récits vraisemblables afin que l’enfant puisse, en quelque serte, mettre des noms comme sur les personnages, mon-