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UNE VIE BIEN REMPLIE

Rentré à Paris, son père, obligé de quitter les affaires pour cause de maladie, ne put lui faire entendre raison ; il ne voulait pas travailler, disant que le travail était une déchéance. Enfin, après une année de désœuvrement, voyant que le père ne lui donnerait plus d’argent s’il ne faisait rien, il se mit à travailler un peu. Mais toutes les paroles qu’il a pu lui dire, le prendre n’importe comment, sa réponse est celle-ci : « Je n’ai pas demandé à naître, donc je ne te dois rien ; toi, au contraire, Tu dois me donner ce qu’il me faut jusqu’à 21 ans ; les grandes phrases d’honneur, de probité, le bien, le mal, tout cela n’est que des mots ; l’homme intelligent est fait pour vivre au détriment des imbéciles ; la vie est courte ; il doit faire tout le possible pour en jouir. »

Il dit aussi : « Le père qui se prive pour ses enfants agit selon ses sentiments ; il fait son devoir et après avoir mis de côté pour eux, s’il disposait de ces sommes pour lui-même, il serait un voleur, car le fils ne devant rien à son père est libre de disposer de son bien comme il lui semble. »

À son père qui lui dit que de pareilles idées sont monstrueuses, il les lui renouvelle par écrit, afin, lui dit-il, que tu sois convaincu que je sais ce que je dis. Je vais avec mon époque, foyer familial, amour filial, tout cela c’est de la blague.

Voilà le caractère de deux enfants élevés avec le plus grand soin et qui ont eu les meilleurs exemples sous les yeux. Et ils sont légion les enfants qui raisonnent ainsi.

La croyance ou la non croyance en Dieu n’a rien à voir là ; du reste ils pouvaient pratiquer la religion si ça leur convenait ; ils ont hérité de leur mère du manque de sentiment familial ; ils n’aiment pas leur père, ne faisant pas de différence entre lui et le dernier des étrangers ; ils ont entendu parler ou ils ont lu ce qu’ils n’ont pas compris ; ils en ont tiré des déductions en rapport avec leurs jeunes cerveaux ; ce sont des déséquilibrés, qui font le désespoir des parents et se préparent des remords pour l’avenir ; s’il en était autrement, ce seraient des monstres.

Ils vont même plus loin ; ils disent : quel est le fils qui pourrait dire et affirmer : cet homme est mon père ! Le jeune homme avait seize ans quand mourut la femme