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UNE VIE BIEN REMPLIE

XXVI


Le hameaeu le plus proche de la ferme des Ruches se composait de sept maisons, toutes occupées par leurs propriétaires, petits cultivateurs.

La plus pauvre de ces maisons appartenait au père Darche ; le devant, couvert de tuiles, était construit avec des pierres de silex ramassées dans les champs d’alentour ; le derrière était en torchi et couvert en paille ; pas de carrelage, seulement la terre battue rabotteuse, formant des trous et des bosses comme des taupières dans un pré ; à l’entrée, en forme de cuvette très évasée, un grand trou où l’eau venait s’amasser par les jours de pluie ; tel était cet intérieur dépourvu de charme et très misérable.

La famille se composait de quatre personnes, le père, la mère et deux enfants de 8 à 10 ans ; ces gens auraient pu être un peu aisés ; ils avaient un bon petit bien, récoltant de tout blé, cidre, vin et fruits de toutes sortes ; de plus, une grande partie de l’année, le mari travaillait au château comme jardinier ; malheureusement, la femme, d’un esprit des plus bornés, ne savait rien faire que soigner sa vache, ses poules et ses lapins, mais était incapable de faire seulement une soupe fricassée.

Tout le long de l’année on ne mangeait dans cette maison que du pain bis, du fromage maigre, des pommes de terre à la croque au sel ; l’été, quelques légumes du jardin, radis, haricots, petits pois, le plus souvent cuits à l’eau et sans beurre ; l’hiver, le mets quotidien était souvent les harengs salés, que l’on accrochait par un rond d’osier à la poutre de la maison. Il faut dire que ces gens-là avaient le cœur sous la main, comme l’on disait autour d’eux ; d’autres disaient que c’était des imbéciles. Dans les moments d’abondance, ils ne pouvaient rien garder ; il suffisait que les gars des environs viennent un dimanche dire à Darche,