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UNE VIE BIEN REMPLIE

bles reçurent de lui une correction de coups de cravache pour s’être conduits de la sorte envers un vieillard.

Ce même matin, une autre scène se passait à Douchy ; un bûcheron, franc-tireur, qui était au café du Cheval-Blanc, en train de déjeuner d’un morceau de pain et de fromage, arrosés d’un verre de vin blanc, quand les Prussiens y entrèrent et le reconnurent pour un franc-tireur ; de suite il fut pris, traîné sur la place et attaché aux mancherons d’une charrue, en attendant qu’un officier vienne vers 10 heures avec son peloton d’exécution pour le fusiller (car jamais il n’était fait grâce aux prisonniers franc-tireurs.) Quand le peloton arriva, le malheureux était mort des coups qu’il avait reçus.

XXX


La scène des Allemands et aussi la mort de son chien avait fortement impressionné Brigalot ; il tomba malade et s’alita vers la fin de l’été suivant. Sentant sa mort proche, il dit à ses enfants : Je suis sur le point de partir, je ne demande pas que le notaire vienne, car j’ai confiance que vous vous arrangerez entre vous comme des bons frères et amis ; ce que je vous demande et que vous me promettiez de suite, c’est de me porter vous-mêmes au cimetière ; je suis certain que vous serez accompagnés par les nombreux amis qui m’ont conservé leur estime ; je ne veux pas aller à l’église. Ses enfants lui promirent de respecter ses volontés.

Le curé vint le voir ; c’était un homme qui mettait la religion au-dessus de toute considération ; pour lui la formule « hors de l’Église point de salut », était un code sacré ; il lui demanda de se confesser pour mourir en chrétien, sinon Dieu le repousserait parmi les damnés.

Monsieur le Curé, répondit Brigalot, un homme méchant a failli me tuer, je me suis vengé ; dans un moment de colère je