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UNE VIE BIEN REMPLIE

voyaient les jardins que les habitants d’alentour disent si beaux, vu que l’eau fraîche ne fait pas défaut ; ces gens ne sont pas difficiles des choses utiles : choux, salade, poireaux, oseille, haricots, arbres à fruits y poussent à merveille ; mais de fleurs, de plantes d’agrément, point ; peut-être au printemps y voit-on quelques rosiers et giroflées. Il n’y a que le jardin de M. Mage où se trouve un peu de tout ; il est arrangé avec goût ; rien que par là, on juge que son propriétaire est un homme supérieur. Nous rentrâmes dîner ; nous causâmes de tout un peu ; d’abord, de notre journée bien remplie, de commerce, littérature, théâtre, politique, de la vie à la campagne et à la ville et, après nous être souhaité une bonne nuit, j’allais me coucher. À 10 heures, je dormais comme un sage ou un juge qui aurait jugé avec justice, ce qui doit être plutôt rare.

IV


Le lendemain, à 8 heures, j’allai retrouver mon ami à cent mètres de la maison, en train de chabler des noix pour notre déjeûner ; après la poignée de mains échangée, nous rentrâmes pour prendre le chocolat avec le beurre, confiture ou miel, comme en Suisse.

Ensuite, en route pour la pêche à la ligne jusqu’à midi, heure du déjeuner. Arrivés au pied du moulin, les lignes furent déployées et amorcées d’un ver de terre ; les voilà dans l’eau. Ah ! ça mord à tout coup, mais on ne prend pas toujours les poissons qui mordent. Enfin, au bout de vingt minutes, nous avions pris, à nous deux, six goujons et quatre vairons ; en avant alors pour les endroits où se tiennent les grosses pièces.

Un pêcheur amateur, philosophe on pourrait dire, bien placé à l’ombre de gros vergnes, était en train de déjeuner. Un os de jambonneau bien rongé et une bouteille vide expliquaient qu’il n’était pas à jeun. Il nous dit qu’il avait pêché environ deux heures et qu’il avait pris deux perches pesant au plus deux cents grammes chacune, mais qu’il prenait plus de plaisir à les pêcher qu’à les manger ; ce sont,