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Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/57

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UNE VIE BIEN REMPLIE

de rencontrer des gens aussi aimables. Je prenais mes repas dans une famille juive ; j’étais surpris de voir que les deux enfants, fille et garçon de 15 à 17 ans, soient si prévenant et si respectueux envers leurs parents. Je n’y restai que quinze jours ; je ne pouvais souffrir le patron, une sorte de brute inconsciente, qui autrefois avait lutté dans l’arène avec des taureaux ; pour un rien, il donnait des soufflets à sa femme, capables de l’assommer.

Le jour que j’allai à Biarritz, je fus témoin de l’effet de la marée ; j’étais à quelques pas de l’escalier qui monte dans le rocher ; devant moi, deux blocs de roche qui sans cesse se couvraient et se découvraient d’eau pendant quelques secondes ; amusé de cela, j’attendais le moment propice pour sauter d’une roche à l’autre sans me mouiller les pieds, mais l’eau augmentait ; je pensai à rétrograder et fus bien surpris, en tournant la tête, de voir que l’eau avait envahi le côté par où j’étais venu ; alors, cette fois, je n’attendis plus ; traversant les quelques centimètres d’eau, j’atteignis le petit escalier, dont je gravis les marches. Arrivé au haut de la falaise, je pus, en toute sécurité, contempler la marée montante, chose bien curieuse. (Si notre frontière de l’Est avait toutes les cinq ou six lieues une citadelle établie comme celle de Bayonne, il n’y aurait pas à craindre une invasion de ce côté.)

XII



Toujours désireux de voir du nouveau, je partis pour l’Espagne, en passant par Saint-Jean-de-Luz. Je m’étais toujours représenté les Espagnols comme je les avais étudiés sur les livres ou vus au théâtre ; mais ceux que je rencontrais sur la route n’avaient ni le petit veston avec la culotte arrêtée aux genoux, ni le boléro avec des boutons en or, ni la mantille avec jupes courtes en velours ; filles