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UNE VIE BIEN REMPLIE

bons pour moi ; je donnais des leçons d’histoire de France au petit garçon, âgé de 11 ans.

La ville est gaie ; l’eau fraîche et limpide coule dans les ruisseaux ; les femmes du peuple sont très croyantes. En pleine ville, sur la route de Toulouse, il y avait une grande croix entourée d’un terre-plein bordé d’un trottoir ; à côté des promeneurs qui, le soir, venaient s’asseoir là, nombre de femmes venaient s’agenouiller en résitant des : « Je vous salue, Marie », « Pardonnez-moi mes péchés », « C’est ma faute, ma très grande faute ». C’en était gênant pour les promeneurs qui, le plus souvent, s’éloignaient pour ne pas gêner les bonnes femmes dans leur dévotion.

Le plus intéressant était la ville haute, citée la vieille ville féodale, célèbre dans l’histoire par les sièges qu’elle a subis. Ses fortifications ont été rétablies par Violet le Duc dans leur état primitif, ce qui en fait aujourd’hui la ville moyennageuse la plus intéressante de France. Si cette ville n’était qu’à 60 kilomètres de Paris, ce ne serait pas deux cent mille visiteurs qu’elle recevrait par an, comme Pierrefonds, mais un million, alors que ce sont seulement les étrangers, surtout les Anglais, qui la visitent.

Narbonne, patrie de plusieurs empereurs romains, n’avait pas d’attrait pour moi. Je m’arrêtai à Béziers, où j’y travaillai près de deux ans dans une maison faisant la bourellerie, sellerie et carrosserie ; cette ville de 50.000 habitants n’est pas belle dans son ensemble : la rue Française, le mail-promenade, sont admirables ; de là, le soir, par le clair de lune, on voit à Sarignan briller la Méditerranée comme un vaste miroir d’argent ; par contre, le quartier descente Canterelle, qui descend rapidement vers le canal et la rivière de l’Orb, était, à l’époque dont je parle, extrêmement sale, pour cette raison que dans cette partie il n’y avait pas de cabinets d’aisance ; chaque matin, une voiture, annoncée par une sonnette et munie d’un large entonnoir, passait pour recevoir les résidus des habitants, dont bon nombre les jetaient, la nuit, par les fenêtres ; dans ces rues, les amoureux ne se seraient pas hasardés à y bavarder à deux heures du matin.

Par exemple, les habitants étaient gais, criant quelquefois