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UNE VIE BIEN REMPLIE

portes, chantaient quelques paroles en souhaitant le paradis à la fin de vos jours. On leur donnait des œufs ; quelquefois ils rentraient chez eux avec un lourd panier.

En résumé, toutes ces sortes de dîmes d’église ne seront bientôt plus qu’un souvenir.

XVI


Tu me dis que j’ai oublié de te raconter mes amourettes, mes aventures de jeune homme, ce qui donnerait une note gaie à mon récit. Ceci n’est pas de mon ressort. Ce que je puis te dire, c’est que, de mon temps, un jeune homme qui se tenait bien trouvait sa petite idylle presqu’à son arrivée, surtout dans les petits pays dépourvus de moyens de communications, où les ouvriers étrangers y étaient généralement bien vus par les filles et les garçons ; mais il s’agissait seulement d’enfantillages de jeunesse, sans conséquence.

Un proverbe dit : « Qui se ressemblent s’assemblent. » Je le crois juste pour la question de sentiment, car un jeune homme qui ne pense qu’en rêve trouve la jeune fille qui pense comme lui. C’est alors que s’établit la petite correspondance, le serrement de main au passage, le petit bouquet cueilli bien loin dans le bois et de grand matin, le petit billet mis dans un étui d’un sou et que l’on dépose dans le pot de réséda placé sur la fenêtre ; enfin le rendez-vous sur le mail ou à l’entrée de l’église pour se donner le baiser d’adieu, en se promettant de s’aimer toujours. Toutes ces choses naïves ne sont pas dites ou écrites aussi bien que l’a fait J.-J. Rousseau dans la Nouvelle Héloïse ; n’empêche que plus tard, en relisant ces lignes dictées par une âme vierge et candide, les larmes viennent aux yeux de ceux ou de celles qui les ont écrites ou reçues, tout comme s’ils lisaient les belles pages de Graziella. Ces choses ne laissent au cœur que de suaves souvenir sans reproches ni remords.