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UNE VIE BIEN REMPLIE

avec des pommes de terre frites. Pour la première fois, je mangeai dans cette famille.

En attendant que le dîner fut servi, M. Collot me mit en mains un album en me disant : Je vais donner un coup de main aux cuisinières pour préparer le repas, ce qui ne sera pas long ; pendant ce temps, amusez-vous à regarder les portraits de nos aïeux et les nôtres.

L’album renfermait des photographies de la famille, dont une partie étaient vieilles, ce que l’on appelle daguerrotypie ; celles de M. Collot, de sa dame et de leur demoislle, portaient aux dos divers âges ; par exemple pour l’enfant on lisait à un an, à cinq ans, à quinze ans ; pour les parents à trente ans, à cinquante ans.

Sur quelques autres on y remarquait les inscriptions suivantes : À ma sœur ! À ma bonne tante ! Souvenir d’amitié ! De temps à autre, je jetais un coup d’œil dans le logement ; je le trouvai modeste : de toutes petites pièces ; un homme un peu grand aurait presque touché le plafond avec son haut-de-forme (il en est ainsi dans bon nombre des vieilles maisons du Marais), un buffet en noyer à deux corps, avec le haut vitré renfermant quelques livres et des dessins de fleurs, une table ronde, six chaises ; sur la cheminée, une pendule entre deux vases contenant chacun un bouquet de violettes de dix centimes ; au dessus de la cheminée, une glace bisautée avec cadre en noyer et aux murs étaient accrochées six assiettes de vieux Sarreguemines.

Tout était si propre, si bien en place, qu’il me semblait qu’un ouvrier devait se trouver heureux d’avoir un pareil intérieur ; enfin, tout dans ce petit logement respirait la bonne harmonie familiale.

Le dîner prêt, on se mit à table ; après une bonne soupe aux légumes ou attaqua le beefteack ; mais ce furent surtout les pommes de terre frites qui firent sensation ; la jeune fille qui venait de sortir rentra radieuse ; elle avait porté une assiette de frites à une vieille dame du cinquième qui, disait-elle, s’était trouvée tellement surprise de recevoir ce cadeau que, pour la remercier, elle l’embrassa à n’en plus finir.

Mme Collot avait à peu près l’âge de son mari, cinquante-cinq ans ; elle était droite, avec des cheveux tout blancs ; la