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UNE VIE BIEN REMPLIE

lut bien nous cueillir dans son jardin, en la payant bien entendu ; ce bouquet eut les honneurs de la société ; les dames se le partagèrent à la fin du dîner ; le contentement avait mis la bonne humeur sur tous les visages ; le repas fut jugé délicieux et la femme du voisin lança ces paroles malicieuses : « Maintenant, nous dinerons encore comme ça quand Mlle Marguerite se mariera avec M. Cadoret », ce qui la fit rougir, et moi faire un sourire gêné.

Nous vînmes par le bois prendre l’omnibus Charenton-Place de la République ; pour la première fois, je donnai le bras à Marguerite et, en l’entendant causer, je trouvais tant de charme dans sa voix, que je ne voyais plus qu’elle avait le dos difforme ; j’arrivai ainsi à la rue Charlot dans cet état d’esprit et, comme il avait été décidé que l’on ne se reverrait que dans quinze jours, le premier dimanche de juillet, pour voir les grandes eaux à Versailles, je pensai tout à coup : quinze jours, c’est trop long sans voir mes amis ! Je remis ma montre à Collot, en lui disant de voir ce qu’il y avait, qu’elle s’arrêtait. Je l’allai chercher le samedi suivant ; on causa un instant du dîner de Vincennes et du travail ; il fut entendu que, dans huit jours, je viendrais les prendre à 1 h. 1/2.

Je n’y manquai pas ; un contre-temps m’attendait, Mme Collot avait attrapé froid la veille en lavant sa cuisine ; elle était couchée, sans faire de phrases, Collot me dit : Nous nous étions fait une fête d’aller à Versailles ; ma femme est au lit, je reste auprès d’elle ; mais je ne veux pas priver Marguerite de ce plaisir ; allez avec elle en bon frère et revenez dîner ici vers 7 heures.

Une heure après, nous partions par la gare Saint-Lazare ; en visitant le musée, j’étais surpris d’entendre parler Marguerite sur toutes choses : du coût de ce palais, des architectes, peintres, sculpteurs, etc… J’étais à l’école.

Après avoir vu les grandes eaux, nous fimes une grande promenade sous les magnifiques arbres du parc ; ensuite, visite au grand et au petit Trianon ; là, dans les hautes herbes, nous fîmes un gros bouquet de marguerites ; on parla mariage. Je lui dis que j’avais d’abord pensé qu’elle se marierait avec M. Jean et que sa mère m’avait dit qu’il n’en était plus question.