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UNE VIE BIEN REMPLIE

Un romancier écrirait de nombreuses pages pour analyser ce que contient ce sentiment sacré ; ce n’est pas mon rôle, je cite les faits en ajoutant que cette femme a fait ma joie et a contribué à mon bonheur pendant près de trente ans.

Nous devions nous arrêter à flâner un peu avant de rentrer ; mais, ayant une pareille nouvelle à annoncer, nous primes le premier train, de sorte que nous étions rue Charlot avant l’heure convenue ; ce fut M. Collot qui nous ouvrit, sa femme était assise dans le fauteuil ; il dit à sa fille qui l’embrassait : « Voyons, tu vas m’étouffer ! » À son tour la mère lui dit : « Mais qu’est-ce que tu as ? » « Demande à M. Cadoret, nous avons une grande nouvelle à vous apprendre. » Alors, m’avançant, je dis simplement : « Il y a que j’ai dit à mademoiselle Marguerite que je l’aimais, et j’ai l’honneur de vous la demander en mariage. » Là dessus, le père me serre la main sans mot dire ; la mère embrasse sa fille en pleurant et suffoquant ; m’embrasse aussi ; Marguerite riait et chantait tout à la fois. M. Collot m’emmena dehors faire un tour pour donner le temps aux deux femmes de se remettre de leurs émotions.

À partir de ce jour, je vins régulièrement comme fiancé ; l’été se passa dans un rêve ; il ne fut pas question de contrat ; j’avais mes économies de garçon ; Marguerite avait d’avantage, soit 1.500 francs à la caisse d’épargne.

Je louai un logement rue Fontaine-au-Roi, lequel fut aménagé avec goût par la mère et la fille ; le souvenir de la famille, les six assiettes anciennes de Sarreguemines avaient été accrochées aux murs par M. Collot.

Notre mariage eut lieu en décembre ; ma mère, la famille Collot et les témoins furent les seuls au dîner de famille.

Quand les beaux jours furent revenus, le beau-père (je les ai toujours appelés maman et père) m’offrit quelques cents francs pour faire un voyage d’agrément en Suisse. Au lieu d’y aller, nous convinmes de faire des excursions. et d’en faire profiter les beaux-parents, qui n’étaient jamais allés plus loin que Versailles ; aussi, ce fut pour nous tous un grand bonheur de voir Fontainebleau, Chantilly, Compiègne, Pierrefonds, Coucy, Rouen, Le Havre, Boulogne, Le Portel. Ce n’est que plus tard que nous avons visité la Suisse ; c’est si joli les montagnes, par le beau temps sur-