Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/201

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quelquefois obscure, à force d’être sommaire. Philostrate craint d’ennuyer ses jeunes auditeurs ; il sait que dans une galerie de tableaux une impatiente curiosité les entraîne d’objets en objets, sans leur permettre d’en considérer un seul très longuement. « Mais n’as-tu point une autre scène à nous expliquer ? se fait-il dire par un des enfants qui l’écoutent. Le Bosphore nous a retenus assez longtemps. Ne t’impatiente pas, répond-il ; je n’ai pas tout dit ; restent les pêcheurs dont j’avais promis tout d’abord de parler. Pour négliger les détails et ne nous attacher qu’aux choses qui en valent la peine… » ; et il continue sa description du Bosphore après avoir pris l’engagement d’être bref. C’est encore à des préoccupations inspirées par l’âge de ses auditeurs qu’il faut attribuer, dans une certaine mesure, les explications d’ordre scientifique que Philostrate mêle plus ou moins adroitement à ses descriptions. Nous rappellerons ici sa théorie sur la coloration des pierres dans les carrières, ses remarques sur les mœurs du lièvre, sur les propriétés médicinales de la mouette, sur les amours des palmiers, sur l’aptitude de chaque essence à croître dans tel ou tel sol ; enfin ses réflexions archéologiques sur l’usage des chars à deux ou quatre chevaux, sur le tribôn athénien, sur la fidélité du costume en général ; fidélité qu’à certains moments il prise assez haut pour lui sacrifier la beauté du corps entièrement nu. C’est une habitude des sophistes, il est vrai, de parler des choses de la nature et des usages antiques ; l’étalage d’une science universelle fait partie de leur profession. Est-il une partie du savoir humain, à laquelle Apollonius ou Philostrate dans la vie d’Apollonius soit complètement étranger ? Les sophistes avaient la prétention d’instruire leurs auditeurs ; ce n’est pas, lorsqu’ils parlaient à des enfants, qu’ils auraient renoncé à un semblable rôle.

Un point qu’il ne faut pas oublier non plus, c’est que ces descriptions de Philostrate, avant d’avoir été écrites, ont été faites de vive voix. Du moins l’auteur nous avertit qu’elles sont le résultat d’une conversation, ou pour mieux dire, d’une impro-