Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/229

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se sont rencontrés plus d’une fois ; l’un et l’autre ont supprimé le costume dans des scènes où la vérité historique semblait l’exiger impérieusement. C’est que l’art a pour première loi de se montrer avec tous ses avantages ; s’il en perd quelqu’un, à être vraisemblable, il sacrifie volontiers la vraisemblance. Nulle part cette doctrine ne paraît avoir été poussée plus loin qu’en Grèce, ni appliquée plus fréquemment qu’à la composition des tableaux ou des bas-reliefs. Entre les assiégeants et Ménœcée, la raison demandait un certain intervalle ; mais cet intervalle avait bien pu être supprimé par l’artiste plus soucieux de nous faire admirer son Ménœcée que de nous faire approuver la place qu’il lui assignait. Dans cette supposition, la ville de Thèbes pouvait occuper le fond du tableau ; d’un côté, les assiégeants auraient été groupés devant les murs ; de l’autre, et sans qu’il y eût ni enceinte de chars ni fontaine de Dircé, toutes choses dont Philostrate ne parle pas d’ailleurs, on aurait aperçu Ménœcée et le repaire du dragon.

Les archéologues n’ont reconnu la mort de Ménœcée que sur un petit nombre de monuments. Une pâte antique de couleur jaune, provenant de la collection Stosch et maintenant à Berlin, nous représente un jeune homme agenouillé sur un autel et se donnant la mort d’un coup d’épée dans la poitrine. Son bouclier porte un oiseau qu’on a pris pour un phénix qui serait alors l’emblème de la délivrance prochaine de Thèbes. Voilà bien des suppositions, sans compter celle par laquelle on reconnaît dans ce jeune héros le fils de Créon. Une pâte antique violette de la même collection nous offre le même sujet ; le bouclier est orné d’une étoile, et un flambeau est appuyé sur l’autel. Enfin sur une urne cinéraire, trouvée en Étrurie, on voit un jeune homme qui se jette sur son épée ; un personnage âgé, tenant un bouclier, se précipite vers lui ; comme pour attaquer ou défendre ; ce serait Créon, volant au secours de son fils. Une figure de femme, d’exécution remarquable, arrête le vieillard, tout en tournant les yeux du côté du jeune homme. Ce serait Jocaste suivant Lanzi et Overbeck, Manto ou la Vertu selon Inghirami. Derrière Créon se trouve un personnage qui a été pris pour un serviteur, et dans le fond de la composition, s’élevant au-dessus des personnages du premier plan, de Créon et du serviteur, une femme armée d’une torche, peut- être une Furie étrusque[1]. Nous ne décrirons pas avec plus de détails ces monuments qui pourraient bien avoir rapport à un autre héros que Ménœcée, et qui diffèrent d’ailleurs complètement du tableau décrit par Philostrate.



V

Les Coudées.


Autour du Nil jouent les Coudées, enfants ainsi nommés à cause de

  1. Voir Overbeck, Die Bildw. z. Heldenkreis, P. 134, nos 52, 53, 54. Taf. VI, nos 1 et 2. Inghirami, Monumenti Etrusci, sér. I ; tom. II, t. 86.