Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/253

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culaire, limité par de doubles bornes, courent quatre biges altelées de bi- ches ou de gazelles que dirigent quatre Amours, se disputant le prix de la course (1). Dans les bas-reliefs d’époque romaine, outre les amours et les chars, 6n aperçoit les ornements du cirque romain, les dauphins et les œufs marquant le nombre des courses, des colonnes, des mâts, la spina où bar- rière qui divisait l’arène en deux parties (2). Le tableau décrit par Philostrate nous montre aussi cetle barrière : seulement au lieu d’être une simple levée de terre, comme dans les hippodromes de la Grèce, ou un mur comme dans le cirque romain, ce sont des plantes de marais, des fleurs en forme d’épis, changement justifié par la nature du lieu et de la course. La borne devait être empruntée aussi à l’espèce des plantes aquatiques (3) ; Philostrate qui la désigne par son nom technique de nyssa (vs5x) nous laisse ignorer sous quelle forme elle était représentée.

Dans ces peintures ou ces bas-reliefs antiques, les Amours se disputant le prix de la course sont seuls entre eux ; des scènes empruntées à la vie réelle ne sont point placées par l’artiste à côté des scènes qui relèvent de la pure fantaisie. Ici, au contraire, plus ou moins loin du bassin où les Amours se livraient à leurs ébats, Philostrate nous montre des pâtres jouant de la sy- rinx, des chèvres escaladant les rochers, toute une peuplade d’oiseaux posés de façon à faire admirer la couleur de leur plumage ou la grâce singulière de leur attitude. D’un côté la nature, de l’autre des êtres allégoriques. Que penser de cette manière de composer ? était-elle conforme à l’esprit de l’anti- quité ? Nous n’hésitons pas à le croire. Certains paysages d’Hereulanum et de Pompéi témoignent de la liberté dont usaient les artistes anciens ; nous y rencontrons des constructions étranges, parfaitement inhabitables, des ga- leries élevées en pleine mer, des personnages nus au milieu des campagnes et mêlés à des personnages entièrement habillés, des êtres allégoriques à côté de la colline même ou du fleuve qu’ils personnifient, partout l’union Ja plus piquante du monde réel et du monde poétique. Pourquoi l’artiste eût- il relégué des Amours dans une contrée impénétrable aux hommes, aux ani- maux de toute sorte ? Pourquoi eùût-il éloigné chèvres el pasteurs de ses Amours, ou supprimé ceux-ci en conservant ceux-là ? Pour ne point con- fondre des êtres de nature différente, répondent les esprits trop rigoureux ; mais l’art ne se pique pas toujours d’une fidélité serupuleuse aux lois de la logique, ou pour mieux dire, il suit une logique particulière, conforme à son objet ; ne prétendant point donner pour réels des êtres imaginaires, il ne craint point que le voisinage de la réalité les dépouille de leur prestige aux yeux du spectateur ; ne cherchant point l’illusion, il n’évite pas ce qui peut






(1) Voir sur ces rapports entre les Amours et les cygnes, Oito Jahn Ber. d. S. Gesells, d. W., 1854, p. 243 et Arch. Beiträge, p. 11.

(2) Voir Le catalogue du Louvre, Notice sur La sculpl. ant, n°* 360 et suiv.

3) Dans les peintures mentionnées ci-dessus p. 240, note ? les bornes sont figurées par des arbres.

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