Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/252

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amoureusement, franchit le fleuve, et ne pouvant encore atteindre le palmier femelle qui est loin, il se couche servilement, et unissant ainsi les deux rives, il devient un pont sur lequel le pied, maintenu par les rugosités de l’écorce, ne saurait glisser.



COMMENTAIRE.

Les représentations de marécages sont assez fréquentes sur les œuvres d’art antiques qui nous sont parvenues ; les peintures murales d’Hercula- num et Pompéi nous en offrent plusieurs exemples ; sur les vases peints, même sur des vases d’argent, il n’est point rare de rencontrer des canards ou des oies qui se jouent au milieu des roseaux, des poissons isolés ou na- geanten bande ; sur tel vase conservé au musée de l’Ermitage (1), on voit même un molif qui n’est pas sans analogie avec un des motifs de notre la- bleau ; des Amours sont engagés dans un marais et cherchent à saisir des canards qui fuient devant eux. Mais nulle part le sujet n’est plus développé que dans la peinture décrite par Philostrate.

Nous dislinguons trois parties principales, dans cette dernière compo- sition : d’abord une contrée marécageuse, sillonnée en lous sens par des cours d’eau sinueux, couverte de plantes et peuplée d’oiseaux aquati- ques ; puis, sortant du marais, un fleuve ; sur ce fleuve un pont de palmiers, sur le pont des pasteurs et des brebis ; enfin, dans un autre endroit du ta- bleau, sans doute à l’extrémité opposée, un bassin assez large, servant d’hippodrome à des Amours qui chevauchent des cygnes.

Cette dernière scène ne doit pas nous surprendre, dit Philostrate, car les Amours sont des dieux insolents qui ne respectent guère les oiseaux. Elle ne nous surprend pas en effet, car la poésie et l’art nous ont accoutumés à ces jeux des Amours. Dans Claudien (2), les Amours suivant Vénus qui se rend vers Pallade et Gélérine n’ont pas d’autre monture ; « ils se poussent mu- tuellement, dit le poète, ils tombent, ils se relèvent ». Dans telle peinture de Pompéi, l’Amour monté sur un char est traîné par des cygnes qui déploient leurs ailes, et font effort de leur cou à peine fléchi par la tension des rênes ; ailleurs l’Amour conduira un lion et un tigre ; ailleurs il presse des griffons avec le fouet (3) ; ici l’attelage est composé de dauphins ; l’Amour se laisse tomber de son char ou plutôt se penchant en arrière, comme s’il devait tomber, il est soutenu par le battement de ses ailes (4) ; là dans un stade cir-

(1) Anti. du Bosph. Cimmér, pl. 35, 3, 4. Voir sur la représentation des marais par l’art antique Stephani, Compte r. de la Comm. arch., année 1809, p. 45 et suiv.

(2) Claudien, Épith. de P. el de C., V. 109.

(8) Museo Borbonico, 7, p. 8 ; 8, p. 48, 49 ; Roux, Hercul. el Pomp., V, pl. 38, 39, 40.

(4) Antig. d’Hereulamw, 1, p. 197 ; Roux, H. et P., Il, 89.