Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/255

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que sa grâce juvénile, ne se rencontre nulle part. Encore nous trompons-

’ nous : dans une peinture découverte à Pompéi, le Zéphyre, soutenu sous les

bras par deux génies ailés, ailé lui-même, descend des airs vers une jeune femme à demi nue, sa fiancée sans doute ; une trompette ou une conque se- rait sans doute déplacée dans un tel sujet ; mais celte peinture prouve au moins que les artistes de l’antiquité savaient renoncer aux attributs ordi- naires d’un dieu, quand ils croyaient pouvoir le faire avec avantage (1). En- fin, dit-on encore, en plaçant ce jeune homme ailé à côté des cygnes, l’artiste ne s’aperçoit pas que son intention ne saurait être devinée ; une bouche qui souffle et desailesquisesoulèventne peuvent éveiller en nous que l’idée d’un vent impétueux : et si on nous explique que le Zéphyre se sert des cygnes comme de musiciens ou d’instruments de musique, nous serons tentés de rire ; car le Zéphyre peut souffler pour lui-même et là où il veut. C’est l’ob- jection, eroyons-nous, qui est ici subtile : les anciens procédaient avec sim- plicité ; de mème qu’ils plaçaient, par exemple Pitho, la Persuasion, à côté d’un groupe de deux personnages, pour montrer que l’un se laissait per- suader par l’autre (2), ils pouvaient bien mettre Zéphyre à côté des cygnes, pour montrer, non que le Zéphyre soulevaitles ailes, mais bien que ces ailes résonnaient harmonieusement. L’allégorie n’est pas plus obscure dans un cas que dans l’autre. Que si d’ailleurs nous condamnons toute peinture ancienne, où chaque détail ne s’explique pas avec la dernière évidence, combien peu de compositions trouveront grâce à nos yeux !

Dirons-nous aussi, pour ne taire aucune critique, qu’on a reproché au tableau de Philostrate, un contraste choquant entre la scène des Amours qui est gracieuse, et le caractère de la contrée qui semble agreste el sau- vage ? D’abord le sujet principal du tableau n’estpoint la course des Amours, c’est le marais lui-mème. Le marais est à sa place au fond d’une vallée, au pied d’une montagne couronnée de pins et de cyprès ; le bassin, qui n’est qu’un endroit plus profond du marécage, explique la présence des cygnes, et par suite celle des Amours. D’ailleurs le contraste pourrait être considéré ici comme plus agréable que déplaisant ; si les Amours sont des jeunes en- fants, pleins de gaieté et de fraîcheur, un fond de paysage, formé de mon- tagnes escarpées el de forèts sombres, ne saurait que faire ressortir davan- tage, ce semble, ces riantes qualités. En outre, si les génies ailés jouaient un rôle dans une scène d’amour, la contrée environnante ne pourrait être ni assez riche ni assez féconde ; mais tel n’est point ici le cas : ce sont des enfants qui se livrent, pour leur propre compte et non dans quelque inten- tion symbolique, à un jeu favori ; qui prennent leurs ébats partout où ils en trouvent l’occasion, sans se soucier de la beauté du paysage. Quant à


(1) Sur la Tour des Vents, à Athènes, Eurus seul a la conque. Le Zéphyre porte des fleurs dans les plis de ses vêtements, Voir O. Müller, Manuel, Atlas,

(2) Bas-relief Garaffa-Noja, Museo Borbonico ; Millin, Gal. M. 173, 540 ; Overb. Die Billw., 263, n° 6 ; atl., XIII, 2,


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