Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/267

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une Heure, ou plutôt les Heures du jour qui s’enfuient, chassées par l’inva- sion de la nuit.

Les chevaux échappés du joug, dit Philostrate, obéissent à la fureur qui les emporte. Ces chevaux étaient sans doute au nombre de quatre ; le char du soleil, appelé partout un quadrige, est toujours représenté comme tel sur les monuments de l’art, excepté sur des pierres gravées où l’espace n’a pas sans doute permis un grand nombre de figures (1). On peut les con- cevoir, comme on les voit sur les bas-reliefs qui nous restent (2), s’empor- tant deux en un sens, deux dans le sens contraire, de manière à bien mon- trer qu’ils ne sont plus retenus par le joug et en mème temps à présenter un arrangement symétrique. Sur les monuments, tantôt ils piaffent dans les airs, tantôt ils sont tout près du sol, tantôt ils ont l’encolure et les narines fièrement dressées et semblent s’élever dans les airs plutôt qu’en tomber (3), tantôt ils sont précipités la tête la première vers la terre et se tordent en vains efforts pour retrouver leur équilibre (4.

« La Terre, poursuit Philostrate, lève les mains au ciel en signe de dé- tresse. » Cette même déesse est représentée sur trois bas-reliefs qui ont pour sujets la chute de Phaéthon ; sur aucun elle n’offre la même attitude qu’ici. A demi couchée, reléguée dans un coin de la composition, tournant le visage tantôt du côté de Phaéthon (5), tantôt en sens contraire (6), elle paraît n’être Jà que pour désigner aux spectateurs le lieu de la chute, par opposition aux personnages ailés qui désignent le ciel ; d’une main elle tient la corne d’a- bondance, de l’autre des épis ou le coin d’un voile flottant au-dessus de sa tète ; ces attributs qui achèvent de la caractériser montrent bien que son rôle est celui d’une simple figure allégorique. Dans le tableau de Philostrate, au contraire, c’est une déesse atteinte par le malheur qui frappe Phaéthon, et elle témoigne sa douleur par une pantomime expressive. A quoi tient cette différence ? à la différence même qui existe entre le bas-relief et le tableau. La peinture recherche la vie etle mouvement ; si elle emploie les personnages allégoriques, elle les mêle à l’action ; elle ne leur permet pas de n’être là que pour la symétrie de la composition ou l’indication du lieu de la scène ; au lieu de laisser la terre, par exemple, se complaire dans le déploiement ou la contemplation de ses attributs, elle nous la mon- tre affectée de tous les sentiments qui peuvent entrer dans une âme hu- maine, à la vue d’une catastrophe, comme celle de Phaéthon.

{1 Wicar, galer. Flor. et Pitti., 1, 8 ; Wioseler, Phaëth., pl. n° 11.

(2) Bas-relief Borghèse, Millin, Gale. myth., XXVIT, 83 ; Bas-relief du Louvre, Frühner catal. n° 495 ; Bas-reliefs de Vérone, de Rome (Depoletti), de Florence (galerie des Uffizi). Wieseler, Phaëlh., pl. n° 1, 2, 4 et 5 ; Sarcophage d’Ostie, Ann. dell’Inst., 1869, p. 190, Tav. d’Agg, F ; Cf. Matz, 4rch. Z, 1930, p. 113 et Bul/. Inst. arch., 1869, 63.

(3) Bas-relief du Louvre.

(4) Intaille dans Bracci, Mémor. de amtig. incisori, IV,

(5) Par exemple, dans le bas-rolief du Louvre.

(6) Bas-relief de Vérone. La figure est d’ailleurs restaurée.



Wieseler, Phaelh., pl. n° 9.


À

+’