Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/268

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Le Phaéthon des bas-reliefs et des pierres gravées tombe du char la tête la première, les mains en avant, comme s’il voulait amortir sa chute ; le corps est presque vertical ou légèrement incliné ; presque toujours l’une des jambes, étendue, se présente dans toute sa longueur, l’autre se replie sur elle-même, ne laissant voir le jarret et le pied qu’en raccourci (4). Du reste la beauté du visage n’est allérée par aucun signe d’effroi. On peut supposer que l’attitude, sinon l’expression, était la même dans le tableau de Philostrate ; le peintre y avait ajouté cependant des éléments nouveaux, la chevelure enflammée, la poitrine fumante, pour rendre le spectacle plus dramatique. D’ailleurs il s’inspirait de la fable qui racontait que Phaéthon avait été foudroyé par Jupiter. Philostrate, il est vrai, ne parle point de ton- nerre et d’éclairs, et de ce silence Wieseler (2) a voulu conclure que dans le tableau de Philostrate c’étaitle feu du soleil, et non celui de la foudre qui consumait l’imprudent ; rien de moins vraisemblable ; Phaéthon avait conduit pendant toute la matinée le char du soleil sans avoir à redouter les elfets d’un pareil voisinage, comment, à midi juste, aurait-il été embrasé par les feux qui l’avaient épargné jusque-là ?

On remarquera que, dans la description de Philostrate, il n’est point question de la métamorphose en cygne d’un roi des Ligures appelé Cycnos. Cette légende racontée peut-être pour la première fois par Phanoclès (3), puis par Ovide (4), rappelée par Virgile (5), fut aussi adoptée, mais sans doute à une époque assez tardive, par l’art antique ; on voit en effet sur quelques bas-reliefs (6), à côté d’un cygne, un vieillard dans l’attitude du désespoir, qui peut être pris pour Cycnos, éraste et proche parent de Phaéthon. Philostrate ne connaît point le roi Cycnos ; mais on voit, d’après son récit, que la légende avait déjà prêté un rôle aux cygnes dans les aven- tures de Phaéthon ; ces oiseaux, que les Grecs considéraient comme des musiciens métamorphosés, étaient censés soupirer des plaintes mélodieuses sur la mort du jeune homme. Si la description de Philostrate est exacte, le peintre lui aussi avait ignoré Cycnos. Quant au Zéphyre, qui avait sans doute sa place dans le tableau, si nous entendons bien le texte de Philos- rate, nous ne le retrouvons pas dans les œuvres d’art qui ont pour sujet la chute de Phaéthon ; à moins qu’il ne faille le reconnaitre dans ce jeune homme qui accompagne quelquefois le vieux Cycnos et que les archéolo- gues, fort embarrassés pour lui trouver un nom, ont voulu faire passer tantôt pour Gupavo, le fils de Gyenos (qui n’a peut-être jamais existé que


(1) Par ex. bas-relief du Louvre ; sur le bas-relief d’Ostie, cité dans une note précédente, les deux jambes sont repliées.

(2) Phaeth., p. 1 ?, note 1.

(8) Lactantius Placidus, 4rg. Fab, ll, 4.

(4) Metam., 1, 867.

(5) Æn., X, 189.

(6) Par ex. bas-relief du Louvre, bas-rel. Depoletii et sarcoph. d’Ostie.