Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/269

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans l’imagination de Virgile), tantôt pour Apollon ; hâtons-nous de dire que cette conjecture ne serait guère plus vraisemblable que les autres ; car ce jeune homme n’est point une figure ailée, comme devrait l’être Zéphyre, et ne paraît point faire attention à l’oiseau, au cygne, placé tantôt près et tantôt loin de lui. Il est à présumer que les auteurs de ces œuvres d’art et l’auteur du tablean décrit par Philostrate ont suivi deux légendes sensi- blement différentes, au moins dans les détails.

Les Héliades formaient sans doute dans le tableau un groupe fort inté- ressant. Combien étaient-elles ? trois probablement, comme sur presque tous les bas-reliefs et pierres gravées (4). Quel était leur costume ? Une pierre gravée nous les montre entièrement nues (2) ; mais sur les bas-reliefs, elles sont vêtues ; en les supposant dans la peinture enveloppées du chiton, ce vêtement devait laisser, comme du reste dans certains monuments, la gorge à découvert, puisque, d’après Philostrate, les larmes des Héliades en tombant sur leur poitrine prenaient la consistance de l’or. Sur les monu- ments, tantôt la métamorphose est indiquée par un tronc d’arbre placé à côté des sœurs, ou par des branches qui semblent les enlacer ; tantôt les doigts deleurs mains se confondént avec des branches, si bien qu’on ne sait pas trop si les mains tiennent les branches, ou si les branches ont pris la place des mains (3) ; sur telle médaille, leur tête se couronne d’une cime de peuplier, et comme elles sont toutes trois de face, que celle du milieu élevant de chaque côté la main à la hauteur de l’épaule la croise avec la main également levée de sa voisine, une nouvelle cime de peuplier vient se poser sur leurs doigts ainsi rapprochés (4). Que la peinture ait osé encore un peu plus que la sculpture ou la gravure, nous ne saurions nous en étonner (5).

Entre l’Eridan des œuvres d’art que nous connaissons et l’Eridan du ta- bleau de Philostrate, il existe une différence assez remarquable. Ce der- nier, nous dit notre auteur, étend le pli de sa robe pour recevoir Phaéthon dans sa chute. Nulle part nous ne retrouvons ce geste ; le fleuve, à demi couché, se contente d’étendre la main vers le jeune homme ; d’ailleurs, loin dese lamenter, comme dans le tableau de Philostrate, il garde le tran- quille visage d’une divinité inaccessible à toute émotion ; si ses traits ex- priment un sentiment, c’est plutôt celui de l’étonnement que de la douleur ; quelquefois même il détourne la tête soit pour se dérober la vue d’un spec- tacle qui l’attriste, soit plutôt par indifférence. D’ailleurs l’Eridan de Phi- lostrate était-il représenté sous les traits d’un vieillard, comme sur tel



{1) Voir sur cette question, Vieseler, Phelh., p. 61 et n° 3. Il n’y en a qu’une, selon Wie- seler, sur le bas-relief Borghèse. @) Wieseler, Phazth., pl. n°8 ; Bracci, Mem. de ant. inc., IV, 2. (3) Mème intaille. (4) Médaille de P. Accoleius Lariscolus (Guigniaut, Relig. de l’Antiy., pl. LXXXIU, n° 306). 5) Voir l’introduction, page 92.

17