Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/275

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grecques l’auraient défendue contre des tentatives de ce genre ; elle ne peut donc être qu’une courtisane ou une veuve ; la courtisane n’y met point tant de façons ; elle n’habite point un lieu sauvage ; il n’est pas besoin de l’enlever ; donc c’est une veuve, une veuve qui a quitté la ville pour se dérober à des im- portunités trop pressantes, mais une veuve coquette, qui, en se dérobant, n’a point su décourager les espérances et les désirs de ses poursuivants.

D’après la description de Philostrate, on dirait que chacun des poursuivants a sa barque, montée sans doute par des rameurs mercenaires. Notre auteur les voit couronnés, puis jelant des couronnes : entendez que les uns ont en- core leur couronne, que les autres l’ont arrachée de leur tête et font le geste de la lancer. Quant aux barques elles-mêmes, il est difficile de dire quelle en était la forme ; c’étaient des acatia ; or le mot acatior, diminutif d’acatos, semble avoir désigné une embarcation légère servant au service d’un port(1). Une poupe arrondie et courbée en dedans, une proue terminée le plus sou- vent en chénisque, c’est-à-dire par un cou d’oie, plus ou moins dressé, plus ou moins replié, un corps étroit et peu long, tels sont les caractères des bar- ques de pèche ou de plaisance que les peintures de Pompéi et d’Hercula- num offrent à notre étude (2). Les acatia du Bosphore n’en devaient pas différer beaucoup.

Le paysage que nous décrit ensuite Philostrate pourrait à lui seul com- poser tout un tableau ; il faut supposer que l’intervalle entre cette maison de la veuve et l’Hiéron était considérable ou que la rive d’Asie décrivant une courbe laissait voir une plus vaste étendue de terrain au delà d’elle-même, à mesure que l’œil s’éloignait des premiers plans. L’Hiéron n’était autre qu’un temple. Près de là se dressait une tour sans doute à plusieurs étages, avec fenêtres s’ouvrant sur le détroit et sur le Pont-Euxin, semblable au Phare de l’ile de Pharos, en face d’Alexandrie,

Philostrate décrit la pêche des thons avec un luxe de détails qui nous dispense de tout commentaire. Un observateur se tient à l’extrémité d’un bois, dit le texte ; on serait tenté de croire qu’il est monté sur un mât de na- vire. Welcker entend par ce bois une perche, fichée en terre sur le rivage, et cette supposition parait vraisemblable, si l’on réfléchit que Philostrate oppose cet homme à ceux qui sont dans les embarcations. Les pêcheurs se servent sans doute d’une espèce de courantille ou scombrière qu’ils promènent en cercle sur le Bosphore ; c’est un filet composé de plusieurs autres ; aussi notre auteur s’exprime-t-il, tantôt comme s’il n’y en avait qu’un seul, tantôt comme si chaque pêcheur avait le sien. Cette observation peut aider aussi à comprendre pourquoi les attitudes et les mouvements des pê- cheurs sont divers, pourquoi parmi les poissons les uns sont déjà pris, el les

(1) Voir le Dictionn. des antiq., au mot Acalos.

(2) Voir par ex, Ané, d’Herculanum, 11, p. 213, 295, 217, 281 ; Roux, Il, 5* série, pl. VIII, XI, XX, XXL,