Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/277

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COMMENTAIRE.


Sur le premier plan, Sémélé frappée de la foudre et donnant naissance à Dionysos ; les flammes s’écartant devant le jeune dieu et formant autour de lui comme une grotte, qui se revêt de plantes consacrées à sa divinité ; une forme indistincte, l’ombre de Sémélé s’élevant vers le ciel ; sur le second plan, les hauteurs du Cithéron avec un génie qui le personnifie ; sur la montagne, le dieu Pan, bondissant de joie, une femme qui tient à la main un pied de sapin, et près d’elle une source jaillissante ; dans les airs deux personnages, deux femmes Astrapé et Bronté, tels sont les éléments et la disposition générale du tableau.

Dans une peinture murale qui autrefois faisait partie de la collection du prince Gargarine (4), Sémélé, vue de côté, est étendue sur un lit ; un bras, soutenant la tête, repose sur le dossier ; un pied touche à terre ; dans cette attitude, elle semble faire effort pour se soulever, mais la tête, rejetée en arrière, atteste que cet effort est inutile ; la mort, dirait-on, l’a surprise au moment où elle se redressait. La partie supérieure du corps est nue, ou plutôt enveloppée d’un chiton qui laisse à découvert la poitrine et l’avant- bras ; des plis d’un large himation, drapé sur les jambes, on ne voit sortir que




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k les pieds, raidis par l’agonie suprème. Nous ne saurions dire avec certitude si Sémélé était ainsi représentée dans le tableau que nous décrit Philostrate ; Ë mais il nous plaît assez de le supposer, tant il y a de vérité dans l’attitude 1

de cette figure ! tant la grâce, qui semble inséparable du mouvement, et la rigidité, qui est propre au cadavre, s’unissent ici heureusement pour re- présenter, dans Sémélé, le passage de la vie à la mort ! Sémélé meurt, dit Philostrate ; pour que le sophiste grec parle ainsi, il faut qu’il ait eu devant les yeux une Sémélé semblable à la nôtre. Il est vrai qu’une pareille figure aurait mérité une plus ample description ; mais ce qui frappe Philostrate dans un tableau, comme nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer, c’est moins le talent de l’artiste, et son esprit d’observation, que les avan- tures mêmes des personnages.

La peinture du prince Gargarine nous montre aussi le jeune dieu s’échap- pant du sein de sa mère, mais d’ailleurs plus semblable, par ses formes me- nues et confuses, à un embryon qu’à un enfant né pour vivre. C’est bien là Je Dionysos de la légende qui, prématurément mis au jour, dut entrer dans Ja cuisse de Jupiter pour accomplir les temps fixés par la nature et attendre une seconde naissance. Était-ce ainsi, que l’artiste, dans le tableau qui nous occupe, avait représenté le jeune dieu ? Ici encore nous sommes réduit à des conjectures. « Dionysos s’élance, dit Philostrate, du sein déchiré de sa


(1) Memorie Rom. di Antichëtà, UN, 13 ; Mull. Wies., D. d. A. K.n° 391 Dict. de Daremberg et Saglio, art. Baccuus.