Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/278

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mère et brillant comme un astre, il fait pälir l’éclat du feu par le sien pro- pre. » Ces paroles semblent caractériser un enfant d’une agilité et d’une vigueur surnaturelles, et ne nous permettent guère de penser à un être né avant terme. D’un autre côté, Dionysos exerce déjà sa puissance ; la flamme s’entr’ouvre ; une grotte, semblable à celle où il devait être porté plus tard par Hermès et accueilli par les Nymphes est là pour le recevoir : il est évi- dent que Philostrate ne songe pas qu’il puisse y avoir pour le dieu une seconde naissance, et s’il n’y songe pas, c’est que l’artiste avait donné à Dionysos toutes les apparences d’un enfant, qui n’a point devancé son jour. On ne saurait donc ici, eroyons-nous, se représenter Dionysos, comme nous le voyons dans la peinture du prince Gargarine.

Philostrate fait de la grotte une description étendue, probablement com- plète : mais il ne nous dit point quelle était sa position dans le tableau. Il nous semble qu’on doit se la figurer comme placée à droite ou à gauche de la composition, et se présentant à peu près de trois quarts, sur le même plan que Sémélé ; en effet, pour être vue de face, il eût fallu qu’elle eùt été plus enfoncée dans le tableau que Sémélé et comme il est naturel que le jeune dieu s’élance du sein de sa mère dans la grotte préparée pour le re- cevoir, Sémélé et Dionysos tourneraient ainsi le dos au spectateur.

A côté et au-dessus du lit, on apercevait l’image confuse d’une femme s’élevant vers le ciel ; c’était l’ombre de Sémélé. Welcker nous paraît se tromper en pensant que Sémélé n’était représentée qu’une seule fois etsous les apparences indécises d’une ombre qui s’évanouit. On conçoit mal Bacchus naissant d’une forme vague et sans consistance, suspendue au milieu des airs. D’ailleurs l’art grec a plus d’une fois représenté les mourants, et leur ombre planant au-dessus d’eux. Sur une œ@nochoé de style archaïque, une figure ailée, que les archéologues regardent comme l’image d’une âme récemment mise en liberté, se balance au-dessus de la tête d’un géant vaineu et terrassé (1). Dans quelques peintures de vases qui représentent Achille traîinant Hector attaché à son char, on aperçoit un tombeau, et au-dessus du tombeau l’ombre du héros, dont Achille venge la mort. Aïlleurs, quand le mourant est un guerrier, la petite figure est quelquefois armée et pour- vue d’ailes. Sur le célèbre bas-relief qui représente, en plusieurs scènes, la légende de Protésilas, derrière ce héros, étendu sur le sol, se dresse une figure voilée qui ne peut être que son ombre ; car Hermès armé du caducée se tient debout devant elle, pour la conduire au séjour des morts (2). Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que Sémélé ait été représentée, dans

(1) Voir Ann. dell Instit., p. 210 et 315, note 1, article de M. de Witte. Cotte explication cst d’ailleurs contestée. D’après Otto Jahn (Ber. d. kôn, sachs. Gessell. der Wiss., 1853, p. 14), la petite figure ailée serait la représentation d’Hypnos. Quoiqu’il en soit, la réunion, dans une même composition, d’un personnage et de son ombre a té dûment constatée en plu- sieurs cas.

(2) Museo P. CL, V, 18 et 19 ; Millin, G. M, 156, 561, Inghirami, Gall. Om, t. XLVIII.