Page:Une galerie antique de soixante-quatre tableaux (Philostrate de Lemnos, trad. A. Bougot).pdf/280

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l’Inde, il effraie les ennemis par ses cris. Une peinture d’Herculanum, ap- pelée par les archéologues l’Éducation de Bacchus, nous représente le dieu, encore enfant, que Silène soulève dans ses bras, et quitend ses petites mains vers une grappe de raisin, tenue au-dessus de sa lête par une Nymphe ; Pan est là, un genou en terre, étendant un bras et lournant le visage du côté de Silène, une draperie sur l’autre bras ; on dirait qu’il vient d’appor- ter l’enfant et qu’il s’effraie ou s’émerveille de le voir ainsi s’élancer vers la grappe (1). Un archéologue allemand (2), chez qui les tableaux de Philostrate éveillent toutes sortes de scrupules, se demande pourquoi cet enfant qui vient denaîlre ne trouve pas une nourrice toute prête à le recevoir : mais cet en- fant est un dieu ; mais les merveilles vont se multiplier autour de lui ; et dans cette grotte même, formée par la flamme et le lierre, peut-être les Nym- phes du Cithéron se chargeront-elles des soins que réclame l’enfance du dieu. Pan lui-même n’est-il pas là pour rendre au dieu les services qui sur tant d’autres monuments lui sont attribués ? Il danse, il est vrai, et ne songe qu’à se réjouir ; mais rien ne dit au critique allemand qu’il ne mettra pas fin à ses transports, qu’il ne descendra pas des hauteurs du Cithéron, qu’il ne prendra pas le jeune dieu pour le porter à Silène et aux Nymphes. Her- mès, dira-t-on, est en général chargé de ce soin ; mais la fable n’a point assez bien réglé les attributions des serviteurs ou des compagnons d’une di- vinité, pour que Pan ne puisse pas prendre la place d’Hermès ; c’est du reste ce qu’il paraît avoir fait dans le tableau d’Herculanum. Hermès qui y figure, assis sur une espèce de tronc d’arbre, tient d’une main une lyre, de l’autre un plectre ; il est venu là en jouant ; mais c’est Pan sans doute qui portait le jeune dieu.

Si, comme le veut Philostrate, le peintre a voulu rappeler au spectateur la tragique aventure de Penthée, dont le Cithéron fut le théâtre, il était naturel d’introduire dans le tableau une de ces déesses que la mythologie antique à chargée de châtier la violation des lois divines et humaines, et surtout les attentats contre les dieux. Mégæra toutefois n’est point une furie contemporaine du meurtre de Penthée ; les anciens poètes ne con- naissent qu’Erinnys ou les Erinnyes ; c’est à l’époque alexandrine que les Erinnyes ont reçu des poètes un nom qui les distingue l’une de l’autre. Ges considérations ont conduit Brunn (3) à rejeter l’explication de Phi- lostrate, et à en proposer une autre. On lit dans Pausanias (4), dit l’émi- nent archéologue, que ceux qui sortent de Mégare rencontrent une source à droile, et, en avançant un peu, une pierre surnommée le lit’d’Actéon ; puis suit le récit de l’aventure d’Actéon et la mention de Penthée. Dès lors ne pourrait-on voir dans le personnage que Philostrate croit ètre une Furie


(1) Antiq. d’Hercul., M, 19 ; Roux, I, 2 sêrie, pl. V. (2) K. Friederichs, Die Phil. Bilder, p. 12.

(3) Bruan, Journal de Fleckeisen, 1871, p. 111.

(4) Pausanias. ! X, 2, 3.